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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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    —    Dire quoi ?
    —    Ce qui te brûle les lèvres depuis le début du repas.
    —    C'est un coup fumant, non ? Toute la belle machination impérialiste jetée par terre avec ce petit défilé. Nous en avons fait la preuve. Les Canadiens français ne marcheront pas main dans la main avec les Britanniques dans les aventures militaires de la métropole.
    Elisabeth jeta un regard à son mari, afin de se rassurer sur l'humeur de celui-ci. Alors qu'Eugénie affichait depuis la veille un masque de soumission à l'autorité paternelle, la politique viendrait-elle brouiller les relations du garçon avec son époux ?
    —    D'après toi, que va-t-il se passer ensuite ?
    —    ... Rien. Nous avons marqué un point. Maintenant ils le savent.
    —    Tu crois qu'il ne se passera rien ? J'espère que tes chefs
    sont mieux informés que toi.
    —    Que veux-tu dire ?
    Thomas lui adressa un sourire satisfait, prit le temps de servir la viande à tous les membres de la famille avant de répondre :
    —    Nos concitoyens de langue anglaise ont réclamé, et obtenu, que les troupes de Wolfe paradent demain dans les rues où ils se trouvent en nombre significatif. Tu seras aux premières loges, leur trajet passera par la Grande Allée et la rue Scott.
    —    ... Si cela leur fait plaisir.
    —    Et ensuite ?
    Édouard demeura un moment songeur, ne sachant trop où son père voulait en venir. À la fin, celui-ci expliqua :
    —    Nous pouvons gagner le respect de nos compatriotes, obtenir un traitement plus équitable. Je ne suis pas aveugle, je n'ai pas besoin de Lavergne pour me dire que la Quebec Light and Power devrait m'envoyer ses factures dans ma langue, si elle souhaite recevoir mon argent. Cependant, je ne pense pas que les actions de collégiens amélioreront les choses.
    —    Bourassa assure que si nous nous tenons debout devant les Anglais, ils nous respecteront. Selon lui, leur mépris tient au fait que nous rampons.
    —    Nos curés nous ont appris à ramper. A quoi t'attends-tu? Nous confions l'éducation de nos enfants à des castrats depuis des générations. Tu crois sérieusement que faire défiler des soldats de pacotille avec des fusils de bois dans les rues de Saint-Roch, c'est se tenir debout?
    Un moment, Édouard eut envie de répondre oui, mais son assurance faiblissait un peu. Surtout, Élisabeth fixait ses grands yeux sur lui. À la fin, il prit son couteau et sa fourchette
    en convenant d'un ton amusé :
    —    Je ne sais pas, mais c'était un joli défilé, fusils de bois ou non.
    Thomas préféra ne pas saisir l'occasion pour laisser les questions sérieuses de côté et rendre au repas une atmosphère plus sereine. Toujours dans le registre politique, il continua :
    —    Demain, le prince ira rencontrer l'archevêque Bégin à Cap-Saint-Ignace. Le légat du pape sera là.
    —    Le loup anglican dans la bergerie catholique, ricana Edouard.
    —    Ou le contraire.
    Le gouvernement du Royaume-Uni entretenant depuis longtemps d'excellentes relations avec la hiérarchie catholique, une rencontre de ce genre allait de soi. Le garçon tenta de nouveau de changer de sujet en se penchant vers son père pour demander :
    —    Qui est la fille blonde de l'autre côté de la table, à peu près en face de moi ?
    —    ... Eugénie ?
    —    Eugénie ! Comme elle a grandi depuis la dernière fois où je l'ai vue. Cela fait bien... une semaine?
    Sa sœur posa sur lui un regard irrité, comme pour dire: « Cesse de faire l'idiot», mais le cœur n'y était pas. Le garçon abandonna toute ironie pour demander :
    —    As-tu l'intention de te rendre sur l'un des cuirassés, ce soir? Comme le spectacle fait relâche, la foule y sera nombreuse.
    —    Papa préfère que je n'y aille plus. Cela pourrait faire jaser.
    La résignation dans la voix intrigua Edouard, qui chercha sur le visage de son père la confirmation de l'information. Celui-ci jugea nécessaire de se justifier encore :
    —    Je sais bien que la partie célibataire et féminine de la ville se retrouve là le soir, mais parfois les gens sont tellement mesquins.
    —    Si cela te dit quelque chose, continua le garçon, mardi soir le prince de Galles sera sur l'Exmouth. Je peux te servir de cavalier, et châtier au premier mouvement toutes les mains envahissantes.
    —    Edouard, le gronda Elisabeth, cesse tes taquineries, surtout si elles sont d'un goût

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