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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Albert Henry George, quatrième comte Grey, ne se départit pas de son sourire pour demander :
    —    Je connais le rôle de mes amis dans l'organisation des fêtes, pas le vôtre. Vous êtes-vous joint au comité d'organisation récemment ?
    —    Pas tout à fait. Disons que je suis l'oreille du premier ministre, en son absence.
    Son interlocuteur jeta un regard du côté du maire, qui garda un visage impassible. Son flegme tout britannique lui permettait de dissimuler l'agacement que lui causait la présence du commerçant. Plutôt que de compléter l'information, Garneau proposa :
    —    Excellence, si vous voulez monter...
    —    Bien sûr, bien sûr.
    Tous grimpèrent dans la voiture. Le cocher regagna la rue Saint-Louis, prit la direction de la Grande Allée. Ce ne fut qu'au moment de bifurquer sur le chemin de la Prison que le gouverneur sortit de son mutisme :
    —    L'endroit est magnifique... mais cette bâtisse est une monstruosité.
    Non seulement l'homme parlait un français impeccable, mais il affectait l'accent chantant de Paris. De la main, il montrait la grande prison de Québec.
    —    Quand les immigrants arrivent à New York, ils aperçoivent avec émotion la statue de la Liberté. Le symbole est connu à travers le monde. Ici, c'est une geôle qu'ils voient d'abord. Il faudrait la déplacer dans un endroit plus convenable.
    Thomas échappa un soupir en échangeant un regard avec le maire Garneau. Il se priva du plaisir de préciser qu'à l'endroit du port où accostaient les navires venus d'Europe, aucun candidat à l'immigration ne pouvait voir cet édifice. Le grand personnage continua :
    —    Remarquez que cette usine de munitions ne vaut guère mieux.
    La manufacture de fusils Ross, une longue baraque plutôt basse construite avec de mauvaises briques, se dressait un peu plus loin vers l'est. Le petit personnage se leva à demi dans la calèche, contempla le grand espace gazonné, parsemé ça et là de bouquets d'arbres.
    —    Si ces deux bâtiments disparaissaient, de même que les quelques maisons autour de la prison, ce site serait absolument magnifique, plus beau que n'importe quel parc de Londres, avec sa vue sur le fleuve et la rive sud. En cette saison, avec le rouge vif des érables, c'est encore plus vrai.
    —    C'est certain qu'on imagine mal une prison au milieu de Hyde Park ou de Central Park, commenta Chouinard, qui n'avait vu ni l'un ni l'autre.
    —    Ce sera un parc dès l'année prochaine, si nos projets se concrétisent, dit Garneau. Selon les ressources financières dont nous disposerons alors, nous pourrons procéder ou non à des expropriations.
    Le comte Grey esquissa un sourire, heureux de voir deux de ses compagnons se rallier à ses arguments.
    —    Vous aurez certainement de quoi les faire disparaître. Partout au Royaume-Uni, il y a des quêtes dans les écoles.
    —    Quel montant y a-t-on récolté ? demanda Thomas.
    —    Je ne saurais dire...
    —    Auprès d'écoliers, un penny après l'autre donné à la gloire de l'Empire, le total ne doit pas être significatif.
    Le gouverneur agita la main, comme s'il chassait une mouche.
    —    Nous recueillons aussi de l'argent auprès des adultes, dans la bonne société. Des personnages éminents ont apporté leur contribution généreuse. Même ici, le travail de mobilisation et de collecte de fonds va bon train. Toutes les villes d'importance ont maintenant des clubs canadiens, où le sentiment national se développe...
    —    Combien ?
    Thomas se révélait intraitable. Quelques contributions importantes de personnalités publiques avaient fait les manchettes des journaux. Des conférences sur les fêtes dans les Canadian Clubs méritaient une belle couverture de presse. Toutefois, compte tenu de l'échéance maintenant rapprochée, rien n'indiquait qu'un pactole serait disponible' ;i temps.
    Le gouverneur général préférait rêver, plutôt que compter. Aussi il se dressa de nouveau dans la voiture alors que le cocher parcourait une allée surplombant le fleuve, pour expliquer :
    —Je vais vous montrer les plans de mes projets. Il y a une élévation qui montre la scène depuis le Saint-Laurent. J'imagine une gigantesque statue de bronze, un ange de la Paix, qui dominera la scène, les bras ouverts, comme dans un accueil. Pour les immigrants, ce serait la première vision de leur nouveau pays. Ce siècle sera celui du Canada.
    Devant ce trio de

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