La bonne guerre
internationales avaient été sortis des
camps français pour venir construire à travers le désert une voie ferrée
transsaharienne pour les Allemands. Quand on est arrivés, on les a délivrés.
C’est juste à ce moment-là que Rommel a fait une percée, qui
a entraîné une retraite massive. Nous étions derrière les lignes. J’avais déjà
connu ça en Espagne, mais comment peut-on aller derrière les lignes sans l’aide
des services secrets ? On ne sait pas quoi y faire. Nous étions sous les
ordres d’un commandant britannique. Dans ces cas-là, il ne suffit pas d’avoir
du courage, il faut absolument savoir ce que vous devez faire. Cette fois-là on
s’est presque retrouvés en plein milieu d’un aéroport, à moins de deux kilomètres
de Rommel, on aurait pu se faire capturer comme un rien. Plus tard nous nous
sommes encore retrouvés derrière les lignes, du côté de Tunis.
Tous ceux qui étaient diplômés de l’école de l’OSS en
sortaient lieutenant, capitaine ou commandant, il n’y avait que nous, les
anciens de Lincoln, qui n’étions que deuxième classe. (Il rit.) Ils nous
prenaient tous pour des communistes, et pourtant, grâce à la guerre d’Espagne, on
en savait dix fois plus que les autres.
Quand nous avons été engagés, on était payés par les civils.
Ils nous prenaient comme deuxième classe, mais nous devions continuer à être
payés pareil. On a envoyé une lettre au ministère des Finances pour leur dire
qu’on était dans l’armée, et que donc on voulait être payés par l’armée. Le
ministère des Finances nous a répondu en demandant si nous n’étions pas un peu
malades. Ils ne comprenaient pas comment on pouvait accepter d’aller se battre
sans se faire du fric ! Nous, nous ne voulions pas qu’on nous prenne pour
des mercenaires parce qu’en étant payés par les civils à la fin de la guerre on
se serait chacun retrouvés à la tête de trente mille dollars. (Il rit.) Et
ce n’était pas pour ça qu’on se battait. D’ailleurs ce commandant avec qui on
se battait, il n’aurait rien fait sans nous. (Il rit.) Dès qu’il y avait
un problème, il venait nous trouver.
En Afrique du Nord, nous étions une dizaine de kilomètres
derrière les lignes allemandes. Trois de la Lincoln et deux autres. Soudain, les
Allemands nous balancent un obus, nous n’étions pas à couvert, même si nous
aurions dû l’être. Et boum ! un obus explose à côté de Feldsen, un ancien
de la Lincoln, je sors mon sachet de sulfamides, je lui en verse sur sa
blessure, je le tire dans une petite gorge pour l’abriter, et voilà les panzers
qui apparaissent. Ils se mettent à hurler : « Haut les mains ! »
C’étaient d’énormes chars. Ça fait tout drôle de se retrouver le nez sur un 88.
Je me suis enfoui la tête dans le sol, caché derrière un buisson de sauge, adieu
les gars, je suis bon ! Lasowski, un autre vétéran d’Espagne, s’était lui
aussi enterré derrière un buisson. Le commandant, qui était repérable à cent
lieues à la ronde dans sa veste marron Abercrombie & Fitch, était un peu
dingue mais assez génial pour rester en plein milieu et attirer leur attention
vers lui et Feldsen, le blessé. Ils les ont faits tous deux prisonniers et sont
repartis. Quand j’ai revu Feldsen, après la guerre, on a reparlé de ces huit
panzers avec lesquels on s’était trouvés nez à nez, et pourtant on était des
moins que rien. (Il rit.)
Quand nous sommes rentrés, le commandant Sage et quelques
autres ont écrit à Donovan : « Sur notre honneur de gentlemen et d’officiers,
nous ne comprenons pas pourquoi le sergent Goff, le sergent Lasowski et le
sergent Feldsen ne sont pas promus officiers. » Donovan est venu sur le
front, et nous a promus sous-lieutenants comme ça, sur le front. (Il rit.) On
avait une curieuse réputation, on était des types un peu louches. Quand ils ont
commencé à me harceler avec leur chasse aux communistes, Donovan est intervenu :
« Il est au tableau d’honneur de l’OSS, pour le travail qu’il a accompli
en Afrique et en Italie. »
Rommel écrasait les lignes américaines avec seulement trois
divisions Panzer, et sans aucune infanterie : une retraite totale. Si en
plus les Stuka étaient venus, on aurait ramassé quelque chose. J’essaie juste d’expliquer
à quel point c’était idiot. Nous, on avait des tanks qui ressemblaient à des
Dinky Toys, et Rommel faisait joujou avec. C’était un brillant
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