La bonne guerre
la
guerre.
Si un jeune Noir de dix-huit ans sortait avec une Anglaise
de seize ans elle était vivement encouragée à déclarer qu’elle s’était fait
violer. Un certain nombre de nos jeunes soldats noirs ont été pendus. Dans
notre unité, il y en a eu un de pendu.
Ensuite on s’est préparés à la principale bataille. On s’est
rapprochés de Southampton en grand secret. Notre unité devait originellement
participer au débarquement du 6 juin, mais c’est un autre groupe d’intendance
qui a été choisi. Nos gars étaient tous déçus, sauf moi. Nous sommes partis
deux jours plus tard. Nous avons débarqué à Utah Beach. Le point chaud c’était
Omaha, mais Utah l’était déjà bien assez à mon goût.
Ç’a été une curieuse expérience. De jeunes hommes qui
pleuraient en appelant leur mère, qui faisaient sous eux. D’autres qui
racontaient des histoires. Pour la plupart, nous étions graves. Je pensais, mon
vieux, si tu t’en sors, plus jamais ça ne t’arrivera. Que se passe-t-il quand
finalement vous sortez d’une péniche de débarquement ? La seule chose que
vous sachiez, c’est que vous êtes en train de patauger dans l’eau, et que vous
entendez de gros obus.
Les Allemands visaient nos réserves. Nous étions vraiment
les cibles. J’ai été sur des camions six-six de nombreuses nuits où la
Luftwaffe nous a mitraillés. Nous avions une bonne couverture aérienne. Mais
elle ne nous semblait pas si bonne que ça quand ils nous lâchaient ces espèces
de petites bombes et qu’ils nous mitraillaient. Nous avons perdu quelques
hommes.
Nous devions empêcher les Allemands de saboter nos stocks de
munitions. S’ils nous avaient fait sauter, nous aurions été repoussés jusqu’à
la plage. Les Allemands avaient envoyé des jeunes types qui avaient habité New
York ou Chicago et parlaient parfaitement anglais. Ils connaissaient les Brooklyn Dodgers et les White Sox. Vous ne les distinguiez pas des
Américains. Vous ne saviez pas si le Blanc en face de vous était un soldat
américain ou un saboteur allemand. C’étaient vraiment des troupes d’élite.
Toutes les nuits, on interdisait aux soldats blancs de
sortir, et c’étaient les soldats noirs qui assuraient les patrouilles. Si nous
rencontrions un Blanc la nuit, nous avions ordre de l’arrêter ou de le tuer. Notre
service était double. Acheminer le ravitaillement et patrouiller de nuit. Notre
unité a d’ailleurs reçu la croix de guerre.
Nous sommes restés en Normandie jusqu’à ce que Patton la
contrôle entièrement. Ensuite nous sommes allés de Normandie en Bretagne, puis
sur Paris. Quand nous y sommes arrivés, c’était un jour magnifique. Comment
décrire ça ? Vous savez comment j’ai su qu’ils avaient gardé leurs espoirs
et leurs rêves ? Ils avaient caché leurs disques de jazz de musiciens
comme Louis Armstrong, Duke Ellington et Coleman Hawkins. (Il rit.) Ils
m’ont dit : « Monsieur, la musique, le jazz. » Ils nous ont pris
dans leurs bras, nous ont embrassés. Nous sentions que nous étions bien
accueillis. J’ai vraiment sérieusement envisagé de ne pas retourner aux
États-Unis. Ils respectaient si ouvertement quelque chose qui appartenait à ma
culture propre, le jazz. Je me suis dit : « Mon Dieu, dans quelle
folle aventure j’ai été entraîné ! » Cette expérience m’a ouvert les
yeux.
Nous étions en Belgique pendant la bataille des Ardennes. À
un moment, nous ravitaillions en nourriture trois millions de soldats. La 1 re ,
la 3 e et la 9 e armée, plus la 7 e armée
britannique. Nous utilisions des prisonniers allemands pour faire nos chargements.
Certains n’étaient pas trop mal, mais il y en avait beaucoup qui étaient arrogants
et nous considéraient comme des êtres inférieurs.
Les officiers blancs se rangeaient souvent à leur avis. C’était
très irritant. Une fois j’avais un ballot de marchandises à transporter. L’Allemand
à qui j’avais ordonné de le faire a refusé. Je savais qu’il était en bons
termes avec notre lieutenant. Il a dit : « Je n’ai pas d’ordre à
recevoir d’un Noir. » J’ai insisté. Il a tenu tête. Comme il était en haut
de l’escalier, je lui ai mis le ballot sur le dos, et je lui ai mis mon pied
aux fesses. Il a dévalé tout l’escalier, et le ballot aussi. Mes supérieurs m’ont
réprimandé pour avoir maltraité un prisonnier. Mais ils n’ont jamais voulu
considérer que, étant donné la situation, il
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