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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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maison, fier de mon
pays, malgré toutes ses injustices. Sûr qu’il pouvait devenir meilleur.
    Trop heureux de m’en être sorti, et transporté par l’enthousiasme
de l’instant. Impossible de renier mon allégeance à mon pays, malgré toute l’amertume
que j’éprouvais.

Docteur Alex Shulman
    Il est chirurgien et exerce dans le sud de la Californie.
Il se réfère occasionnellement à un petit livre noir un peu abîmé : le
journal de ses années de guerre. Jeune chirurgien militaire, il a apparemment
fait des rapports très précis.
    « Nous avons fait un travail bien meilleur que
pendant la première guerre mondiale. Les antibiotiques ont joué un grand rôle, ainsi
que les nouvelles techniques. Nous avions du sang, du plasma, ce que nous n’avions
pas pendant la première guerre mondiale. Nous avions de meilleurs anesthésiques.
Et nous étions plus expérimentés. Le plus grand spécialiste du pays nous a fait
un cours de neurochirurgie traumatologique. Et les transports : les gens
étaient amenés aux unités d’intervention chirurgicale bien plus rapidement. Les
guerres de Corée et du Viêt-Nam ont complètement changé la médecine, mais je
crois que le tournant décisif s’est produit pendant la seconde guerre mondiale. »
    J’étais en Belgique pendant la bataille des Ardennes. Hiver44 . Je faisais de la neurochirurgie, chirurgie du crâne. On m’amène
un jeune Allemand. Il avait quatorze, quinze ans. On aurait dit un petit garçon.
Hitler appelait les gosses et les vieillards. Ce gosse s’était trouvé coupé de
son unité plusieurs semaines auparavant, et il s’était caché dans une grange. Il
était sale et triste et avait une terrible entaille à la tête. En fait, c’était
un trou dans le cuir chevelu et dans le crâne.
    Quand je l’ai vu arriver, il était couvert de vieille paille,
de fumier et de sang, et tout ça était collé ensemble. Je ne savais pas quoi
faire de lui. Quel type de blessure avait-il ? Nous nous imaginions
toujours les Allemands avec les cheveux coupés ras. C’étaient les GI qui
avaient les cheveux ras. Les Allemands avaient les cheveux longs, bien avant
nos gars. C’était le cas de ce gosse, et ses cheveux étaient complètement
emmêlés.
    Quand je l’ai emmené à la salle d’opération, il a commencé à
pleurer. Un petit gosse. Je lui ai dit : « Arrête de pleurer. »
Je parlais un peu allemand, et le yiddish m’aidait un peu. J’ai pris une
bassine d’eau chaude, du savon, et je lui ai lavé les cheveux, c’est tout ce
que j’ai fait. Beau tableau : un capitaine de l’armée des Etats-Unis en
train de laver les cheveux d’un petit Allemand. Finalement, je l’ai nettoyé, et
j’ai examiné la blessure. Elle n’était pas vilaine. La nature avait déjà fait
un bon travail de cicatrisation.
    Puis il s’est vraiment mis à pleurer. Je lui ai dit :
« Pourquoi pleures-tu ? » Il m’a répondu : « Ils m’ont
dit que j’allais me faire tuer. Et voilà qu’un officier américain me lave les
mains, la figure et les cheveux. » Je lui ai fait remarquer que j’étais
juif, pour qu’il soit encore plus impressionné.
    Paris avait été libéré juste quelques semaines auparavant, en
44. Les soldats de notre unité ont eu l’autorisation d’assister aux premiers
services de Rosh Hashanah célébrés à Paris. Nous sommes allés à la synagogue
des Rothschild, un grand lieu. Le service venait juste de se terminer quand un
type très bien habillé est venu vers nous. Dans un anglais approximatif, mêlé
de français : « Accepteriez-vous d’être notre hôte pour le déjeuner ? »
    Ils nous ont raconté comment toute la famille avait toujours
réussi de justesse à échapper aux Allemands pendant les quatre années d’occupation.
Ils ont sorti leurs petites étoiles jaunes, et nous ont dit : « Nous
sommes des sépharades. Nous aimerions que vous veniez voir notre synagogue. »
    C’était une petite synagogue construite dans un style d’inspiration
marocaine. Nous étions les seuls Américains. On m’a présenté un homme qui avait
été chirurgien à Paris. Il venait d’être libéré d’un camp de concentration. À
ce moment-là, nous ne savions encore rien des camps de concentration. Il a été
le premier à m’informer.
    Cet homme aux cheveux blancs est monté sur l’estrade et a
commencé à parler. On m’a dit que ses cheveux étaient devenus blancs très peu
de temps après son arrivée là-bas.

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