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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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détruire.
    Une fois, je me souviens d’avoir entendu le général Patton s’adresser
à ces dizaines de milliers de jeunes Américains. Certains n’avaient jamais rien
vu d’autre que leur collège. N’avaient rien bu de plus fort qu’un milk-shake. Il
leur a dit : « Avec votre sang et mon courage… » Ça, jusqu’à ma
mort je m’en souviendrai. Votre sang et mon courage.
    Ensuite j’ai demandé à être transférée dans un hôpital. J’ai
été dans des hôpitaux d’évacuation et des hôpitaux généraux.
    Nous sommes venus en Europe sur le Queen Elizabeth. Il
y avait trente mille soldats à bord. À cause du monde, nous étions divisés en
rouges, blancs et bleus. On dormait huit heures à tour de rôle sur les ponts. Les
officiers avaient des repas somptueux. Les GI, eux, mangeaient des têtes de
poissons.
    Le temps était épouvantable. J’étais tellement malade que j’ai
à peine réussi à atteindre le pont des GI. Deux d’entre eux m’ont soutenue
jusqu’au bastingage. J’ai commencé à chanter avec eux. J’ai découvert qu’il y
avait parmi ces soldats des gens tellement doués que c’en était incroyable. Ils
avaient été musiciens dans de grands orchestres connus.
    On entendait régulièrement le haut-parleur : « Tout
le personnel de la Croix-Rouge doit quitter le pont des GI et venir au
pont-promenade. » Je ne l’ai jamais fait. Ils me cachaient. Je me rendais
compte que cette traversée était une expérience formidable. Je suis allée
trouver l’officier des services spéciaux pour lui dire que je pouvais mettre
sur pied un grand spectacle. Il m’a dit : « Faites ça pour les
officiers. » Je lui ai répondu : « Pas question. » J’ai
ajouté : « Nous ferons une représentation pour les rouges, une pour
les blancs, et une pour les bleus, et si nous sommes toujours en mer nous en
ferons une pour les officiers. » On a fait des spectacles fantastiques.
    La Croix-Rouge nous avait demandé d’acheter une robe du soir,
au cas où. Je ne l’ai pas portée une seule fois après notre arrivée en Europe. J’avais
acheté une robe rouge absolument sensationnelle. Je ne sais pas comment les GI
ont su que j’allais porter cette robe rouge pour notre spectacle. Toujours
est-il que lorsque je suis entrée en scène, l’orchestre s’est mis à jouer La
Femme en rouge. Les GI chantaient. C’était merveilleux.
    Quand nous avons débarqué en Ecosse, nous portions toutes notre
uniforme de la Croix-Rouge. Nous avions un numéro sur notre casque. Moi c’était
le 22. J’étais assise dans l’annexe et les GI riaient encore sur le bateau. Comme
un seul homme, ils ont crié : « Hé, vingt-deux, chante-nous quelque chose. »
Plus tard dans un des hôpitaux, il y avait un GI que je n’avais pas reconnu. Il
était amputé des deux jambes. Quand je me suis approchée, il a dit :
« Hé, vingt-deux, chante-moi quelque chose. »
    En Angleterre, en France, j’en rencontrais régulièrement. Dans
un des hôpitaux d’évacuation où j’ai travaillé, j’étais chargée de l’accueil
des blessés. Je suis restée quatre jours sans me coucher. Dieu merci, j’ai des
reins à toute épreuve. (Elle rit.) Je ne suis allée aux toilettes que
deux fois en tout et pour tout pendant ces quatre jours et quatre nuits. (Elle
rit.) J’accueillais chaque civière qu’on envoyait du front, car je savais
qu’ils étaient immédiatement envoyés ailleurs. Certains vers un hôpital général.
D’autres chez eux pour mourir.
    J’avais pris l’habitude de parler avec eux dès leur
admission, je leur proposais d’écrire une lettre ou de faire passer un message
ou ce qu’ils voulaient. J’étais dans un hôpital d’évacuation que Patton
viendrait visiter. Il demandait aux médecins militaires de séparer les vrais
blessés de ceux qui s’étaient automutilés.
    Qu’ils fussent classés dans la catégorie des automutilés ne
signifiait pas nécessairement qu’ils s’étaient automutilés. Beaucoup avaient
des armes défectueuses qui s’étaient déchargées accidentellement et les avaient
blessés au pied ou à la jambe. Il y en avait vraiment beaucoup. On les classait
automatiquement dans la catégorie des automutilés dès qu’il y avait le moindre
doute. Il leur fallait parfois attendre six mois avant de passer en cour martiale.
Et vous savez quelle est la peine maximale pour une automutilation ! Imaginez
un peu dans quel état d’esprit pouvaient bien être

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