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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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comme s’il avait parlé au vieux chêne patiné, mais il crut déceler une fine respiration empressée. Il prodigua encore quelques paroles apaisantes, puis avertit qu’il allait ouvrir l’armoire avant que les loirs du grenier ne se réveillent et fassent la sarabande avec les chauves-souris au vol saccadé qui happent les vilains insectes… Dans la minute suivante, il tirait l’épais panneau. Un gamin de trois à quatre ans, des yeux de hibou dans un visage étroit tout souillé, était recroquevillé, à demi couché dans la loge du fond sous l’étagère du bas, comme le petit Géraud d’autrefois. Sauf que lui n’avait été victime que de ses chimères.
    Il lui sourit, s’enquit de son nom, n’obtint pas de réponse, lui parla encore, lui narra un conte ancien. Puis il lui caressa la joue, sans brusquerie, lui proposa sa main, le dégagea sans heurt de son refuge, l’attira vers lui, le serra contre sa poitrine et l’emporta sans lâcher son arme.
    Il descendit, plus vigilant cette fois, sortit, inspecta les environs assombris par des nuages opaques et denses, rejoignit sa jument qui hochait la tête avec un air de reproche : «  Qu’est-ce que tu me rapportes là ? Dans quelle situation t’es-tu encore embourbé ? Ne suffisait-il pas de Lisa ?  »
    — À ton regard réprobateur, je sais ce que tu voudrais me signifier, Jurance ! Que veux-tu, je n’y suis pour rien, ce sont les circonstances. Nous allons confier ce gentil petit bonhomme au curé du premier village. C’est promis, en selle !
    Des dards liquides les cinglaient à l’horizontale. Ils reprirent leur lente progression vers le couchant, ne croisèrent personne. Le bambin s’était calé à l’envers sur l’encolure, les deux poings sous le menton, la joue contre le ventre de Géraud arqué en avant. Il lui fallait trouver impérativement un abri, au risque de mourir, car la nuit renforçait la grisaille du ciel menaçant et il ne manquerait pas de geler à pierre fendre. Le petit n’avait opposé aucune résistance à le suivre. À quelles horreurs avait-il assisté ?... Les ombres couvraient les ombres, noircissaient le paysage, estompaient la route. Il n’y avait plus d’horizon ni aucun point de repère. La girouette d’un clocher aurait été la bienvenue et lui aurait laissé l’espoir d’un bourg à moins d’une demi-heure à cette allure d’escargot où ils luttaient pour avancer.
    Rien, toujours rien, aucun signe de vie…
    Et puis, jetant un regard sur la gauche, il capta du coin de la rétine la fugace pointe aiguë d’un triangle. Fallait-il croire qu’à force d’évoquer une chose, elle finit par se produire ? Il écarquilla les yeux, fouilla la pénombre : la figure ajourée de deux fenestrons avait disparu. Cependant, il était certain de l’avoir entrevue à travers le nébuleux de quelques arbres. Restait à repérer un chemin afin de ne pas se fourvoyer dans une tourbière, un fossé, un hallier…
    Le froid humide, incisif, transperçait les vêtements. Devait-il revenir un peu en arrière pour avoir manqué une intersection ? Y en avait-il une seulement ? Il était possible qu’un cours d’eau l’empêche d’atteindre son objectif s’il s’engageait tout droit… Il poursuivit encore sur quelques dizaines de toises, attentif à la bordure estompée. Il s’éloignait… À présent, la visibilité ne permettait plus de deviner la configuration du décor à un petit jet de pierre.
    Il fit un brusque demi-tour, scruta le terrain, remonta plus haut que l’endroit supposé de ce clocher hypothétique… évaporé, dissous dans le noir de poix ! Avait-il été victime d’une illusion ?... Ses sens l’avaient-ils trahi ? Faiblesse du témoignage humain !
    Il s’obstina cependant dans sa quête, poussé cette fois par le vent. Et soudain la même impression qui s’effaçait quand il regardait droit dans la direction présumée ! Il la négligea ; l’image reparut encore. Il s’opiniâtra.
    Jurance marqua alors une hésitation et tourna la tête vers la droite ! Brave bête, elle avait découvert le sentier perpendiculaire qui s’enfonçait en pente douce, entre les ronciers.
    — Bonne Jurance, que deviendrais-je sans toi ?
    Soulagé, il s’y engagea, suivit les deux sillons plus clairs creusés par les roues des charrettes.
    C’était davantage un hameau qu’un bourg, plus une chapelle qu’une église. Elle était fermée. Il en fit le tour et tomba sur la cure,

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