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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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deux jours se garda de refuser.

XXVII
    I L AVAIT FALLU SACRIFIER le somptueux pourpoint blanc et un autre haut-de-chausses en les souillant, les lacérant afin d’accréditer la thèse de l’agression imaginée par Saint-Aignan en guise de deuxième épisode. Lebayle n’était pas convaincu de la pertinence de ce plan abracadabrant, mais il lui avait fallu se plier aux desseins du gouverneur qui soudain s’était découvert un goût pour l’épopée… par intérim. Louisette jouerait le second rôle à la perfection. Il lui suffisait de se laisser porter !
     
    Géraud avait espéré l’ajournement de l’opération, mais sa complice dans la place avait accroché le ruban à la troisième croisée de l’étage du château d’Eudreville qu’il surveillait depuis les arbres. Tout était calme, il lui fallait passer à l’action…
    Que lui arrivait-il ? Pourquoi cette indécision ? Lui qui d’ordinaire se complaisait dans les travestissements, les rôles de composition et les opérations audacieuses, voire téméraires ?... N’était-ce que parce que l’intrigue n’était pas de son cru et qu’échaudé, il n’en maîtrisait pas tous les rouages ?... Allons, commissaire, on vous a connu plus hardi par le passé ! Plus risque-tout ! L’adversaire n’est qu’une femme, fourbe Messaline sans doute, mais moins redoutable qu’une horde d’assassins !... Sont-ce les décès suspects de ses deux époux qui vous troublent ? C’est des Préaux qui réclame ce statut, pas toi ! Et tu disposes d’une alliée, plus fiable que les auxiliaires du gouverneur. Reprends-toi !
    Géraud Lebayle s’ébroua. L’instant de doute qui lance des picotis acides par tout le corps et la cervelle était passé. Il inspira plusieurs fois, sentit l’air froid purifier le fond de ses poumons.
    Il s’élança, traversa la pelouse, bondit, agrippa la poutre d’angle du jardin d’été, se hissa sans mal sur le toit, se rétablit, marcha en funambule jusqu’au mur, harponna la rambarde de la première fenêtre, glissa jusqu’à la troisième où le listel bleu flottait avec mollesse. Pas la moindre brise qui aurait pu rappeler la tempête de la semaine précédente.
    Il chassa ses dernières incertitudes, poussa les ouvrants qui, grâce à l’intervention de Louisette, ne résistèrent pas, se propulsa à l’intérieur, s’accroupit, ignorant comme convenu les deux femmes devant le meuble de toilette. Il fit mine de scruter les environs avec une attention exagérée et simula l’essoufflement. Il s’attendait à des cris d’orfraie, il n’en fut rien. La marquise maîtrisait ses nerfs, Louisette jouait la stupeur.
    — Bonsoir, monsieur, l’accueillit madame de Villars d’une voix calme et posée. Je ne pensais pas vous recevoir ce soir d’une façon aussi impromptue.
    Lebayle se dressa, volta brusquement, feignit la stupéfaction, s’excusa d’un geste ample :
    — En aucun cas, madame. Je suis navré de vous surprendre dans votre boudoir. Je vous dois une explication. Je cherchais un refuge et le reflet sur ces vitres m’a persuadé que la fenêtre n’était pas close et que par là passait mon salut.
    Plus amusée qu’effrayée, la marquise le toisa, puis détailla sa vêture loqueteuse. Ce n’était pas là l’apparat d’un soupirant éploré. D’ailleurs (elle l’avait oublié), elle-même ne se trouvait pas en tenue très décente : une simple chemise longue et des bas saumon en soie veloutée de Tours, avec un châle sur les épaules, où s’épandaient ses cheveux dénoués, constituaient sa seule parure. Armée d’une brosse et d’un peigne en corne, Louisette montait la garde auprès d’elle.
    — Je vous découvre dans un triste appareil, mon pauvre ami. Que vous est-il arrivé ? Les brigands de naguère se seraient-ils vengés ?
    — C’est pire, madame, sinon je les aurais embrochés par deux tant ils furent misérables dans leurs assauts… Après un long périple en Guyenne via Paris, je rentrais dans mes terres pour m’intéresser à mes affaires lorsque les archers du gouverneur m’interceptèrent à l’octroi d’un pont. J’étais convoqué par celui-là afin de répondre de plusieurs plaintes. Je m’alarmai et m’enfuis. Ils me rattrapèrent, me jetèrent au sol. Je leur échappai encore par le miracle d’un chien vagabond qui prit mon parti et leur chercha querelle. Depuis ce midi, j’erre dans l’espoir d’un havre et d’une âme

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