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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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signes avant-coureurs d’un crépuscule. Même ses idées s’évaporaient à peine émises, happées par le vent aussi palpable qu’un fleuve en crue. Mais il n’était pas saumon, n’avait pas à frayer coûte que coûte. Fichu novembre qui se précipitait dans l’hiver !
    — Courage, courage, ma belle ! prodigua-t-il à Jurance en lui flattant l’encolure. Une bonne litière nous attend l’un et l’autre, et j’espère une mangeoire bien remplie.
    À ces mots, la tempête s’apitoya et baissa soudain d’intensité. Ils relevèrent la tête d’un même élan, se relâchèrent, d’autant mieux que les toits de l’auberge brisèrent de leurs angles la longue courbe monotone de la platière. Ils se lancèrent au petit trot, puis soutinrent un galop chaloupé. L’accalmie fut de courte durée, juste le temps pour que le vent tourne de l’ouest au nord-ouest. Au franchissement de la dernière bosse, un mauvais pressentiment assaillit Géraud : aucune lumière ne palpitait aux fenêtres dont les volets n’étaient pas clos, et pas le moindre filet de fumée effilochée à la bouche de la cheminée de briques.
    Ils approchèrent au pas. Ouverte, la porte battait à l’intérieur. À distance respectable, il descendit de selle, tous sens en éveil, attacha les rênes à un moignon de barrière, tira son pistolet de la fonte, s’approcha de l’entrée qui formait une avancée protégée par un auvent.
    Il tendit l’oreille, mais les sifflements du blizzard ravivé masquaient d’éventuels signes de vie, humaine comme animale. Courbé, il contourna la bâtisse par la droite, jeta un coup d’œil furtif dans une petite écurie déserte, puis à la soue, vide elle aussi, au poulailler qu’un renard aurait visité… Tout cela ne disait rien qui vaille. Il négligea les deux issues de derrière qui n’étaient pas closes, traversa une sorte de cour et longea la façade. Par les fenêtres, son regard ne rencontra que la pénombre. Sans hésiter, il entra, se planta dans l’angle de la salle principale, doigt sur la détente de son arme. La pâle lueur ambiante dessina une demi-douzaine de tables dont les deux plus proches n’étaient pas desservies. Les bûches et les cendres de la cheminée de pierre étaient froides depuis au moins la veille.
    Que s’était-il passé ?
    Cet abandon total n’était pas naturel. Il avança vers les cuisines, surveillant ses arrières et l’escalier droit qui menait aux chambres. Il découvrit la scène épouvantable qu’il redoutait : trois corps hérissés d’instruments tranchants baignaient dans leur sang, noir et figé, deux hommes dont un vieillard et une grosse femme.
    L’œuvre de pillards organisés qui n’avaient rien laissé, pas même une miche dans la maie où avait été jeté le vieux. Il n’y avait plus rien à espérer pour ceux-là… Ce disant, il eut l’intuition qu’il n’était pas seul. Sans attendre, il grimpa au premier étage. Inutile désormais de prendre des précautions, sa présence n’avait pu passer inaperçue ! À coups de botte, il repoussa les quatre portes successives. Ce qu’il craignait encore plus se confirma dans la dernière chambre. Le corps d’une toute jeune fille, une enfant presque, vêtements déchirés, était écartelé en travers du lit dans une posture sans équivoque : violée à plusieurs reprises, puis étranglée.
    Lebayle frémit, se signa, lui ferma les yeux, la couvrit d’une couverture. Il allait battre en retraite quand, entre deux bourrasques, un grincement répété le mit sur ses gardes… Cela provenait de la pièce voisine. En trois bonds, il s’y rendit sans bruit, retint son souffle, épia les encoignures obscures, prêt à faire feu sans sommation. Les battants d’une grande armoire étaient entrebâillés de trois pouces. Trop ou pas assez, après un tel saccage. Des souvenirs d’enfance l’avaient mis sur la piste et semblaient se concrétiser. De biais, il s’accroupit devant le meuble, la porte du couloir en ligne de mire et murmura :
    — Je sais que tu es là… Ne bouge pas… Quand j’avais ton âge, c’était aussi ma cachette favorite… J’y tenais tout juste… Tantôt, c’était la cale de mon navire, tantôt mon château fort. Plusieurs fois je m’y suis même endormi. Seul, le chat savait où je me dissimulais. Il venait m’y rendre visite, se pelotonnait et ronronnait. Tu vois, je suis un ami, tu n’as rien à craindre…
    Rien ne se produisit,

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