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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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Havre, en relation permanente avec Sa Majesté et monsieur de Louvois.
    Il s’empressa de résumer l’affaire en quelques phrases concises et précises. Louis parut contrarié. Il repoussa sur son front son feutre gris orné de plumes blanches.
    — Ainsi, vous estimez, à vous trois, être en mesure d’assurer ma protection !
    — Certes non. Rameutée à la hâte, une escouade nous rejoindra dans les meilleurs délais. La prudence voudrait que nous l’attendions… un peu car votre vie nous est précieuse.
    — Croyez-vous qu’il fasse un temps à musarder dans les bois ?
    — Au village de la falaise, est sise une auberge assez confortable et accueillante qui vous permettra une halte. Nous devons y recevoir, par un éclaireur que nous avons dépêché, des précisions sur la localisation de la meute qui vous évitera des errements harassants.
    — Vous êtes très habile et obligeant, commissaire. Mon père vous aurait-il délégué comme chaperon occasionnel ?
    — En aucune façon, monseigneur. Vous n’ignorez pas que, dans ce cas, c’est un escadron de mousquetaires qu’il aurait diligenté.
    — Nous avions envisagé de nous restaurer, nous concéderons donc une courte pause où vous avez dit. C’est dans une pelisse de loup gris que j’ai hâte de me réchauffer !
    — À vos ordres, mon prince.
    Géraud tourna bride, imité par ses adjoints, et ouvrit la piste, pressé de rallier le bourg avant de se heurter à l’invisible adversaire.
    Ils investirent le gîte, y secouèrent leurs manteaux de frimas devant le feu vulcanesque qui ronflait dans la vaste cheminée de pierre et le dauphin ne bouda pas son plaisir d’y rôtir le duvet de sa tendre lèvre. Outre le garde-chasse et le piqueur, son escorte ne comportait que six hommes d’armes qu’il comptait abandonner au premier relais. C’était d’une folle témérité, une quasi-inconscience, mais comment l’en dissuader sans le contrarier et l’inciter à prendre le contre-pied ?
    Persuadé que l’impétueux jeune prince ne s’attarderait pas longtemps devant un repas pourtant copieux et alléchant, Lebayle envoya son premier guide à la rencontre des renforts afin de les orienter au plus tôt vers eux. Il lui restait à inventer un dérivatif impromptu qui paraisse naturel. Il s’en confia à son autre adjoint qui le déchargea de cette besogne. En aparté, celui-ci exhorta leur hôte à faire preuve d’imagination pour retarder leur départ. L’aubergiste fit aussitôt apporter son meilleur vin par ses plus accortes servantes, sermonnées pour enchanter le prince et le divertir. Sa plus jeune fille y réussit grâce à d’admirables yeux d’azur pailleté et un décolleté libertin bien que peu garni, mais qui fut apprécié. Elle ne semblait pas sotte et sut converser avec une fausse naïveté qui produisit son effet.
    Mais à cet âge, la spontanéité l’emporte et l’attrait de l’exploit guerrier précède les compliments pour subjuguer une jolie roturière. Louis se dressa, altier et avantageux, lui promit de la couvrir… d’une fourrure de louve jaune et donna le signal de la battue.
    Le palefrenier de l’auberge, fils de la maison, tout confus et vergogneux de la délicate mission qui lui avait été imposée, entra à cet instant. Il s’excusa de contrarier le départ de quelques minutes : un fer de l’étalon princier jouait et risquait de s’arracher si l’on ne remplaçait deux ou trois clous. Il assura se charger de cette besogne, le temps qu’on savoure un dernier verre. Sur l’assentiment exaspéré de Lebayle qui le rabroua vertement pour ne pas s’en être aperçu plus tôt et devancer ainsi toute autre réplique, le jeune homme se retira à reculons. Improvisant, Géraud ajouta :
    — On vient aussi de m’annoncer le retour de nos éclaireurs, nous saurons bientôt dans quelle direction se dirige la meute.
    En un éclair, n’ayant aucune nouvelle, il avait décidé d’écarter le dauphin du secteur le plus dangereux. Inquiet, il envoya son guide au-devant du groupe de soutien qui tardait plus que de raison et lui indiqua le chemin qu’il pensait faire prendre aux chasseurs sauf modification intempestive de sa versatile petite Majesté.
    La royale monture rechaussée de neuf, on se mit en selle. Le commissaire Lebayle s’attribua le titre honorifique de Grand Veneur et prit d’autorité avec une assurance feinte la tête de la modeste cohorte. Il avait décidé de longer la falaise

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