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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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surmonter : ne pas être surprise comme une fille en action. Un petit démon facétieux était capable de tirer Geoffroy par les orteils : « Écoute, écoute fuser, c’est le jet froissé d’une pucelle ! » Elle n’y tenait plus. Il lui fallait se libérer. Elle rouvrit la porte, se faufila dans le couloir avec son ustensile, se déculotta prestement, frissonna en relâchant ses muscles. C’était du bonheur pur, bassement viscéral… Elle s’apaisa, réintégra ses vêtements et la chambrette, rangea le pot à sa place. Tout irait mieux à présent.
    Avec délicatesse, elle s’allongea sur le lit sans déranger son voisin… se releva de même. Elle avait remarqué qu’il y avait deux couvertures. Pouce à pouce, elle tira celle du dessus qu’un genou coinçait contre le mur, parvint à la dégager. Elle s’enroula dedans et se recoucha. Ainsi isolée, elle se sentait moins vulnérable et son état de fille moins apparent. Elle ferma les yeux, priant pour se réveiller avant Geoffroy… Si toutefois elle parvenait à s’endormir : une narine bouchée le faisait trompeter !
     
    Un coup de genou dans les reins arracha Lisa à un mauvais rêve exutoire. Elle fut aussitôt sur pied et sur la défensive. Geoffroy s’était retourné et rendormi, deux doigts dans la bouche comme un nourrisson. Elle eut un rictus méprisant : « Pauvre enfantelet qui se croit une terreur ! » Le sommeil révèle la vraie personnalité des individus.
    Elle se détourna. Il lui fallait préparer leur fuite et ne compter que sur elle-même. Gautier quitta la soupente, referma la porte avec soin, descendit au rez-de-chaussée, s’orienta vers les communs, se composa une mine ensommeillée et éprouvée, s’approcha de la cuisine. Deux femmes s’activaient autour de la cheminée. La plus âgée, rondouillarde et rougeaude, la vit pointer son museau timide à l’angle du mur. Elle se redressa à demi.
    — Ah ! Le petit réchappé. Approche donc. A pas peur. Edgar nous a déjà conté l’affaire. Assis-toi. Tu dois être affamé.
    — Oh ! Oui… merci.
    Gautier se glissa sur le banc tandis qu’un bol et une miche se matérialisaient devant son nez. La jeune servante lui sourit d’un air niais.
    — Tranche-z-y l’pain, ordonna la cuisinière tandis que j’y chauffe la soupe. Et l’autre, dort-i encore ?
    — Il a reçu des coups sur la tête et délire un peu.
    — À c’t’âge, on a l’crâne dur et souple, i s’en r’mettra. Mange, gars, faut t’remplumer, t’es gros comme une ablette.
    Gautier ne se fit pas prier et se cala les joues. La femme assurait l’essentiel de la conversation, les demandes et souvent les réponses, donnait ses directives avec autorité, trottait dans tous les sens pour préparer la pitance d’au moins dix personnes. Mais en y réfléchissant, les deux géants suffisaient à engloutir chacun la part de cinq ! Lisa intercalait des petites questions naïves qui entraînaient des explications entremêlées mais très instructives.
    — Comment on pourrait regagner Paris sans déranger ? hasarda-t-elle enfin.
    — Vous n’allez pas nous quitter comme c’la ! Notr’ maîtr’ voudra vous rencontrer. C’t’un grand seigneur, sais-tu ? Louis de Rohan. Certes, i s’est un peu embrouillé avec not’ roi, mais faudra ben qu’un jour ils se raccommodent encore.
    — C’est que j’aimerais savoir ce qu’il est advenu du cocher et des parents de Geoffroy.
    — Par la Sainte Vierge ! J’oubliais. Quelle étourdie je suis. Je jacasse, je jacasse, pis qu’une vieille pie et j’en oublie les conv’nances. Baste ! C’est le chevalier qui en décidera et…
    Pour la troisième fois, elle passait derrière Gautier quand elle s’immobilisa tout à coup, fronça les sourcils, secoua sa tête grise. Elle grommela, vint se planter dans son dos, posa une main potelée sur la table et lui souffla à l’oreille.
    — Toi, mon p’tit gars, tu m’intrigues.
    Lisa contracta ses épaules étroites. Quelle nouvelle calamité allait lui choir sur la hure ? Elle picora des miettes autour du bol vide, les goba.
    — Gautier, tu dis t’app’ler ?
    — Oui… madame.
    — Manon ! Va donc surveiller si ça bouge là-haut, chez mad’moiselle et chez ces messieurs toujours impatients.
    La servante s’éclipsa en trottinant.
    — J’te trouve l’oreille joliment ciselée pour un garnement. On a pas dû t’la tirer souvent… et des cheveux clairs et fins su’

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