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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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jours, réinvestissait son milieu naturel après une longue hibernation. Le commissaire pouvait l’épier en restant à distance : Rohan dépassait tous les courtisans d’une bonne tête et il n’avait pu se séparer (manque de subsides ou de subtilité ?) de ses somptueux pourpoints brodés, et celui-là de tulle argenté. Certains flatteurs virevoltaient déjà dans son périmètre et tentaient de faire leur cour au cas où l’ancien favori rentrerait en grâce. Ces ballets lui paraissaient grotesques et dérisoires, mais c’était une pantomime obligatoire à laquelle les soumettait l’Étiquette sans cesse plus contraignante. Alors, tous soumis au même régime, aucun ne s’en offusquait. Celui qui ne supportait pas ces rigueurs absconses avait toute liberté de rentrer dans ses terres, s’il en possédait toutefois. Comme les travaux n’étaient pas achevés et qu’en ville les chambres avaient toutes été prises d’assaut par les premiers arrivants, on s’accommodait d’un débarras sous les combles qu’on n’aurait accordé chez soi qu’à la dernière souillon de sa maisonnée ; voire une banquette quand on se partageait un local sans fenêtre, en dernier recours les sièges de sa voiture tant que le temps le permettait.
    On restait à l’écoute des nouvelles en provenance de Noirmoutier que l’amiral Tromp avait investi en vingt et un jours de combats, au cours desquels il avait détruit deux tours du château, coupé le bois de Chaize. Puis il avait exigé une rançon de 42 000 livres en emmenant plusieurs notables en otage. Cependant, la résistance des Français n’avait pas fléchi. Et, dans les premiers jours de juillet, on avait soudain constaté, au vif soulagement du pouvoir, que la flotte au grand complet s’était volatilisée pour ne plus reparaître.
    Lebayle se rencogna dans un angle de fenêtre. À plusieurs reprises, il s’était trouvé – sous des déguisements différents, Félix n’avait pas lésiné – porté dans le sillage de Rohan, et deux fois nez à nez avec lui, sans que le chevalier le reconnaisse. Celui-ci venait de s’écarter, suivi du comte de Guiche. C’était leur troisième rencontre. Le faux marquis préféra rester à distance.
    Le 2 août, on se bouscula à Saint-Cloud pour féliciter Madame qui avait accouché d’un fils. Le 13, on pleurait le peintre du roi, Philippe de Champaigne. Le lendemain, on apprenait que trois jours auparavant le prince de Condé l’avait emporté sur les coalisés du prince d’Orange à Seneffe dans le Hainaut.
    Géraud recevait régulièrement des nouvelles par Seignelay et Eusèbe Renaudot. Il apprit ainsi que la meilleure estafette qui n’était autre que le lieutenant Alexis de Vareuil fut dépêchée (conjointement par Colbert et Louvois pour une fois !) ventre à terre, quitte à crever ses montures successives, auprès de messieurs d’Arlon, Saint-Aignan et Vieuville pour qu’ils relaient l’état d’alerte tout au long des côtes normandes et bretonnes. Et que les yeux et les longues-vues s’orientent aussi vers la mer, la marine hollandaise pouvant resurgir à tout instant.
    En ce début de septembre, le roi était à Versailles, seulement protégé par une cinquantaine de soldats, toutes les troupes étant requises sur les diverses frontières. Sa Majesté accorda un court entretien privé au commissaire afin d’avoir un état précis des événements. Lebayle ne lui cacha rien de ses inquiétudes. Le roi fut très attentif. Il lui posa encore quelques questions, sans rien révéler de ses déductions personnelles et le remercia de son dévouement, le priant de continuer à veiller dans l’ombre.
    Le lendemain matin, 11 septembre, à la sortie de la messe, le roi faisait arrêter Rohan par Brissac, le major de ses gardes de Rouen.
    Géraud hésita à rentrer sur Paris, se donna encore quelques jours pour surveiller le comte de Guiche, d’autant qu’une petite demoiselle de compagnie de madame de Rogemard n’était pas indifférente à son charme de…
    — Marquis de La Saponière ?
    Le commissaire se retourna. C’était un commissionnaire qui tenait un pli à la main.
    — De la part de qui ?
    — C’est monsieur de Nazelle qui m’envoie. J’ai eu toutes les peines du monde à vous retrouver dans cette foule, j’espère que c’est bien vous ?
    — Tout à fait.
    — J’ai un message urgent à vous remettre.
    Lebayle s’en saisit, récompensa l’estafette et sortit dans

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