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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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moment où la cavalerie est inutile.
    — Faut-il y voir une bonne volonté naïve ou une repartie à la limite de l’insolence ?
    — Chacun y lira ce qu’il voudra, le roi est seul juge, mais il semblerait que le marquis fut alors bien proche des idées de Monmouth.
    — Vous m’ôtez cette conclusion de la bouche. Le même reproche a-t-il été adressé au prince anglais ?
    — L’histoire ne le dit pas. Je regrette aussi le refus de Montal de vous recevoir, affirmant qu’il n’obéit qu’aux ordres directs de son souverain.
    — Puis-je vous poser une dernière question ?
    — Ajoutez : « pour aujourd’hui » et vous me contenterez.
    — S’il n’y a que cela pour vous être agréable, je préciserai : « avant le flot impétueux de celles de demain », plaisanta Géraud… Est-ce vous qui avez averti monsieur d’Artagnan de cette décision hardie ou hasardeuse de Monmouth ?
    — Dès que j’ai entendu celui-ci émettre cette idée surprenante, je me suis empressé d’envoyer un mousquetaire en référer à mon capitaine-lieutenant tandis que j’essayais de raisonner l’impétueux duc.
    Lebayle remercia d’Aligny, lui souhaita un prompt rétablissement, prit bientôt congé, lui promettant de revenir. Il était impatient de remonter à la demi-lune afin de rejouer une fois encore le dernier assaut de « d’Artaignan », ainsi qu’il signait ses lettres. De nombreux points lui demeuraient obscurs. Il descendit dans la tranchée, la parcourut à pas comptés, scrutant chaque pouce de terrain, puis il refit le chemin à allure normale. Combien de temps avait-il fallu au capitaine pour rejoindre d’Aligny ?... Plusieurs longues minutes, voire un quart d’heure afin de dévaler la colline au pas de charge et suivre ce labyrinthe. Ce temps a sans doute été mis à profit pour bousculer les résistances de la première barrière, celle qui permettait aux Hollandais de protéger l’entrée du tunnel. Cette manœuvre avait-elle contrarié, voire contrecarré une tentative d’attentat sur la personne du roi ? Secret d’État… C’était donc à partir de ce poste que Monmouth avait fini par commander la fin de l’assaut. Quelle étrange bravoure ! Il avait fallu beaucoup de détermination et d’abnégation à monsieur de Saint-Léger pour l’emporter sur des Hollandais en position très favorable.
    En trois bonds, Géraud escalada le talus et se trouva aussitôt exposé aux défenseurs de cette demi-lune, désormais aux mains des Français comme l’ensemble de la cité. Il leur adressa un signe de reconnaissance auquel ils répondirent. Il compta les secondes nécessaires pour atteindre les vestiges de la barrière, s’embrouilla après deux minutes et une pause à mi-parcours, finit à la vitesse d’une tortue cacochyme. Son cœur souffrait de l’effort intense et du sacrifice consenti par des jeunes gens dans la force de l’âge. N’y avait-il pas une solution plus humaine pour régler un différend que le massacre de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants innocents et la ruine d’un pays ? Voilà pourquoi il n’aurait pu devenir un bon soldat et se félicitait d’avoir été introduit auprès de monsieur de La Reynie auquel il souhaitait démontrer une fois encore son efficacité.
    Il grimpa jusqu’au pied du rempart, prodigua quelques mots d’encouragement aimables aux sentinelles, puis redescendit sur les talons, pour conserver son équilibre, raclant la terre sèche, rougie du sang des braves. Il s’arrêta aux trois quarts de la distance de manière à détendre les muscles endoloris de ses cuisses, s’orienta une fois encore vers les imposantes fortifications qui s’étendaient de part et d’autre. Elles n’avaient pu résister à la furia française. Lebayle se découvrit et dédia une pensée émue à toutes les victimes.
    — ’tention !!!
    Son prompt réflexe pour tourner la tête déséquilibra Géraud qui chavira sur la pente. La balle écorna les cailloux et cribla ses jambes d’éclats. Tandis que la déflagration lui parvenait, il basculait dans la poussière, roulait jusqu’à un fagot oublié du dernier assaut qui bloqua sa dégringolade. Étourdi, il jeta un bref regard circulaire, ne remarqua rien, crut entendre son prénom. Pris pour cible ! Ça ne pouvait provenir que de la tranchée. Il se redressa, dévala comme il put vers celle-ci, s’y engagea. Quelqu’un le rattrapait. Il dégaina son poignard, se ravisa.

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