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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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italien, hébreu, espagnol.
    — Et français, j’espère ?
    Géraud marqua un temps d’arrêt. La remarque, anodine, était cependant judicieuse. Lisa avait de l’à-propos et une fine repartie. C’était un atout indéniable.
    — Mieux que toi et moi. Tu verras, c’est un personnage haut en couleur, accueillant et chaleureux. Il a quatre filles. Les deux aînées sont mariées dans leur pays, la troisième au professeur de latin et la dernière, Marianne, qui n’a que dix-huit ou vingt ans, aide sa belle-mère à tenir la maison.
    — Je devrai cependant m’en méfier.
    — Pourquoi cela ?
    — C’est une femme. Elle pourrait percevoir ma véritable identité sous mon habile déguisement.
    — Bonne déduction, Lisa. Mes leçons commencent à porter leurs fruits, se rattrapa le commissaire pris au dépourvu pour avoir relâché sa vigilance.
    Ils s’arrêtèrent chez un limonadier 3 , se désaltérèrent d’une boisson gazeuse à base de citron.
    — Et puis, tu ne seras pas toute seule, livrée à toi-même, la rassura-t-il. Tu disposeras d’un complice dans la place, mon ami Jean-Charles du Cauzé de Nazelle, un ancien mousquetaire de vingt-quatre ans, en congé pour l’instant. Tu pourras te confier à lui. Il veillera sur ta petite personne aussi bien que moi. Es-tu plus tranquille ?
    Elle le scruta, les yeux plissés.
    — J’te répondrai quand j’y serai.
    — J’ai aussi pensé à ton intimité. Tu bénéficieras d’une petite chambre particulière afin de te préserver de toute promiscuité délicate avec les garçons.
    — Ça veut dire quoi promiscuité ?
    — La… proximité.
    À la moue qu’elle lui renvoya, il comprit que le mot ne l’éclairait guère. Les professeurs auraient du pain sur la planche… et du fil à retordre.
    — Le proche voisinage, si tu préfères. Les contacts du dortoir, les jeux de camaraderie, les changements de tenue, les… ablutions communes ; tout ce que tu devras éviter. Tu as l’esprit vif et curieux, mais garde-toi de lancer des questions à tout propos sans réfléchir aux conséquences. Tu ne dois pas non plus révéler ton ignorance de certaines choses. Un vieil adage dit qu’« il faut tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler ». Ne l’oublie pas.
    — C’est commode ! La mienne est tellement agile qu’elle fera des nœuds, ou m’échappera avant le troisième tour.
    — Le temps que tu la démêles, d’autres garçons de ta classe… – oui, c’est une innovation : le maître répartit ses élèves par niveaux de connaissances – poseront la question qui te démange. Sinon, tu auras tout le temps de la formuler correctement.
    Lisa soupira, vida son gobelet. Géraud héla un marchand d’oublies qui passait par là et acheta quelques gaufres. Elle avait un appétit d’ogresse qui ne lui profitait pas pour autant car elle restait toujours mince et nerveuse.
    Ignorant combien de temps durerait ce nouveau voyage, il ne lui précisa pas que, pendant l’été, il n’y avait guère d’élèves. La plupart étaient rentrés dans leurs foyers. Ainsi, elle aurait le temps de s’acclimater avec l’aide de du Cauzé.
    Le lendemain matin, munie de son petit balluchon, elle monta en croupe de Jurance et ils prirent la direction de Picpus. Jean-Charles les accueillit, les introduisit auprès de maître Affinius au sortir de son cours de théologie. Lisa se sentit aussitôt à son aise avec cet étonnant personnage de soixante et onze ans, à peine plus grand qu’elle, ventru comme une barrique, à l’œil finaud, affublé d’une large barbe poivre roux et sel gris, s’exprimant de façon théâtrale, avec force gestes de ses bras courts et des mimiques de la comm edia .
    — Voici donc Gautier, notre futur élève ! Qu’il soit le bienvenu à l’hôtel des Muses. Nous nous efforcerons, lui et moi, d’en tirer le meilleur parti – n’est-ce pas mon garçon ? – et d’en faire un brillant bachelier. Tout est question de volonté et d’opiniâtreté. Le reste, ce ne sont qu’instruments adaptés et mémoire.
    Lisa ouvrit la bouche, sans doute pour demander la signification du mot « opiniâtreté ». Lebayle l’en dissuada en lui appliquant la main sur l’épaule. Affinius conclut :
    — Je vous laisse avec Gautier découvrir et apprivoiser son nouvel environnement. Je dois recevoir séance tenante quelques têtes pensantes venues deviser sur les écrits de mon cher Spinoza, l’un de

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