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La campagne de Russie de 1812

La campagne de Russie de 1812

Titel: La campagne de Russie de 1812 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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fusillades. À
l'arrière, sur la route de Mojaïsk, sous les ordres du
général Nicolas Toutchkov, campe une masse d'une
vingtaine de milliers d'hommes, placés « en
embuscade », et prêts à intervenir en
marchant vers le flanc gauche de Bagration, presque en pleine forêt
, devant l'ancienne route de Moscou à Smolensk. C'est ce que
Koutouzov appelle son dispositif secret .

    L'attente, cette
oppressante veillée d'armes, se prolongera durant toute la
journée. De « l'autre côté »,
en ce dimanche 6 septembre, et en présence de Koutouzov, les
popes et les archimandrites en somptueux costumes, la croix à
la main, entourant l'icône de la Vierge, parcourent le futur
champ de bataille en chantant des prières en vieux slavon. Les
soldats s'agenouillent et, nous dit le colonel russe Boutourline,
« ces guerriers, humblement agenouillés, mêlant
aux chants religieux leurs ferventes prières, présentaient
un spectacle à la fois sombre et touchant ».

    « Je
suis, Dieu soit loué, en bonne santé, mon amie, écrit,
ce soir-là, Koutouzov à sa femme. Depuis trois jours
nous nous tenons, Napoléon et moi l'un en face de l'autre, à
telle enseigne que nous l'avons vu en personne, vêtu de sa
petite redingote grise. »

    *****

    Napoléon
est en train de dresser ses plans : demain, dès l'aube, avec
les troupes commandées par son beau-fils, le vice-roi d'Italie
Eugène, il simulera une attaque en force contre la droite
russe, c'est-à-dire les entours du village de Borodino :

    – Eugène
sera le pivot, annonce-t-il !

    Il s'agit là
d'un piège car le vice-roi devra s'arrêter dès
s'il aura atteint une position permettant à ses batteries de
pilonner à sa droite, par des tirs rasants, la Grande Redoute.
C'est contre ces puissantes fortifications coiffant le mamelon –
« le dominateur de cette plaine », nous dit
Ségur – c'est là que, de tous les côtés,
et sur un terrain plus accidenté que certains l'ont dit
jusqu'ici, se succéderont les charges de cavalerie, ayant à
leur tête le roi Murat empanaché à souhait. Les
divisions de Davout, Comans et du maréchal Ney – il
gagnera ici même, demain, son titre de prince de la Moskova –
attaqueront en investissant cette véritable citadelle. En même
temps, on essaiera de tourner la gauche ennemie par la forêt
d'Outitza, du côté de la vieille route de Moscou. Ce
sera le rôle dévolu au prince Poniatowski. Mais celui-ci
n'a que cinq mille hommes avec lui ! Aussi Davout demande-t-il à
l'Empereur de joindre ses cinq divisions, fortes de trente-cinq mille
hommes, aux soldats polonais de Poniatowski, « trop faible
à lui seul pour tourner l'ennemi ».

    – Attaquant
par une allure précipitée, explique-t-il à
l'Empereur, je déploierai quarante mille Français et
Polonais sur le flanc et en arrière de l'aile gauche russe.
Là, tandis que l'Empereur occupera le front des Moscovites par
une attaque générale, je marcherai violemment de
redoute en redoute, culbutant tout de la droite à la gauche
sur la grand-route de Mojaïsk, où finiront l'armée
russe, la bataille et la guerre.

    – Ah ! vous
êtes toujours pour tourner l'ennemi, s'exclame Napoléon
; c'est une manœuvre trop dangereuse.

    L'Empereur l'a
pourtant employée bien des fois ! Et Davout, dépité,
retourne à son poste « en murmurant contre une
prudence qu'il trouvait intempestive, et à laquelle il n'était
pas accoutumé ».

    On va se battre
avec tant de fureur que certains en oublieront leur compagne de tous
les jours : la faim.

    Les Russes prient
avec ferveur dans l'église du monastère de Kolotskoï.
Les portes sont demeurées ouvertes, et l'on entend au moment
des vêpres, les combattants chanter des cantiques. Deux ou
trois vieux moines, qui n'ont pas voulu quitter leur couvent, prient
avec eux.

    Monté sur
l'Embelli, en regagnant son quartier général situé
à trois kilomètres de Borodino, Napoléon sent
qu'il a pris froid et frissonne un peu... Mais empereur trouve sous
sa tente une caisse contenant le portrait du roi de Rome par Gérard
que le préfet du palais Bausset vient d'apporter de Paris, et
il oublie son rhume et sa fièvre. Pendant que devant lui on
déballe la toile, il ne dissimule pas son impatience. Dès
qu'il peut enfin regarder le tableau, il déclare que c'est
« un chef-d'œuvre ».

    – Mon fils
est le plus bel enfant de France, dit-il à Rapp.

    Toute la journée,
le portrait demeure exposé sur une chaise.

    –

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