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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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seuls quelque présence d’esprit : Marie avait des convulsions et des attaques de nerfs. Sur l’ordre de miss Ophélia, un des sofas du salon fut préparé en hâte, et on y déposa le corps saignant. Saint-Clair s’était évanoui par suite de la douleur et de la perte du sang ; mais les soins de miss Ophélia le ranimèrent ; il rouvrit les yeux, regarda fixement ceux qui l’entouraient, puis ses regards, errant vaguement dans la chambre, s’arrêtèrent sur le portrait de sa mère.
    Le médecin vint et examina ; son visage disait assez qu’il n’y avait plus d’espoir ; mais il se mit à panser la blessure ; miss Ophélia et Tom l’y aidaient avec calme, au milieu des sanglots et des cris des domestiques, amassés à l’entrée des portes et aux fenêtres de la véranda.
    « Maintenant, dit le médecin, il nous faut chasser dehors toute cette cohue ; le plus grand repos est nécessaire. »
    Saint-Clair ouvrit les yeux, et regarda les pauvres affligés que miss Ophélia et le docteur tâchaient de renvoyer de l’appartement. « Pauvres créatures ! » murmura-t-il, et une expression amère de remords se peignit sur ses traits. Adolphe refusa obstinément de sortir, la terreur lui avait paralysé l’esprit : il s’était jeté par terre, et rien ne put lui persuader de se lever. Les autres cédèrent devant l’insistance de miss Ophélia, qui leur disait que la vie de leur maître dépendait de leur promptitude à obéir.
    Saint-Clair pouvait difficilement parler. Il restait les yeux fermés ; mais il n’était que trop évident qu’il luttait avec des pensées douloureuses. Il posa sa main sur celle de Tom, agenouillé près de lui, et dit : « Tom ! pauvre garçon !
    – Quoi, maître ? dit Tom avec anxiété.
    – Je me meurs ! ajouta-t-il en lui pressant la main. Prie !
    – Si vous désiriez un ministre… » reprit le médecin. Saint-Clair secoua la tête, et dit de nouveau à Tom avec instance : « Prie ! »
    Et Tom pria de tout son esprit, de toutes ses forces, pour l’âme qui partait, – pour l’âme qui, du fond de ces grands yeux bleus et mélancoliques, semblait le regarder si tristement. C’était bien la prière offerte avec larmes et déchirement de cœur.
    Quand Tom cessa de parler, Saint-Clair fit un effort, saisit sa main et le regarda avec émotion ; mais ne dit rien. Il ferma les yeux sans relâcher son étreinte ; car, aux portes de l’éternité, la main noire et la main blanche se ferment avec la même crispation. Il murmurait doucement, à intervalles brisés :

    Recordare, Jesu pie.

    ……………

    Ne me perdas – illa die :

    Quærens me – sedisti lassus.
    Les paroles qu’il avait chantées ce même soir, – paroles suppliantes adressées à une Miséricorde Infinie. Ses lèvres remuaient à mesure qu’en sortaient les fragments de l’hymne sacrée.
    « Son esprit s’égare, dit le médecin.
    – Non ! il arrive ! il arrive… enfin ! dit Saint-Clair avec énergie : enfin ! enfin ! »
    L’effort l’épuisa ; la pâleur de la mort couvrit son visage ; mais avec elle descendit, comme sur les ailes d’un ange compatissant, l’admirable expression de paix d’un enfant fatigué qui s’endort.
    Il demeura ainsi quelques secondes. On voyait que la main toute-puissante était étendue sur lui. Un peu avant le moment suprême, il rouvrit les yeux ; et, avec un éclair soudain de joie et de reconnaissance, il s’écria : «  Ma mère !  »
    Puis, il rendit l’esprit.

CHAPITRE XXX

Les délaissés.

Il n’est pas sur la terre de créature plus isolée, plus dépourvue de protection, plus à plaindre, que l’esclave qui perd un bon maître.
    Après la mort d’un père il reste encore à l’enfant des amis et l’appui de la loi. Il est quelqu’un ; il peut faire quelque chose ; – il a des droits et une position reconnue : pour l’esclave, rien de pareil. – Aux yeux de la loi c’est un immeuble, et pas plus. Les seules satisfactions accordées aux besoins, aux désirs légitimes d’une créature humaine et immortelle, lui viennent à travers la volonté souveraine du maître, et quand le maître disparaît, tout finit avec lui.
    Peu d’hommes usent avec justice et générosité d’un pouvoir sans limites : tout le monde sait cela ; mais l’esclave le sait mieux que personne. Il sent que, pour un maître bienveillant, affectueux, il s’en trouve dix cruels et tyranniques ; aussi le deuil

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