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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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femme, assise devant le feu, attachait sur la flamme un regard fixe et navré qui ne conservait rien de sa précédente agitation.
    « Vous avez désiré me voir ? lui dit, d’un ton doux, madame Bird ; j’espère que vous allez mieux maintenant, ma pauvre femme ? »
    Un soupir profond et brisé fut sa seule réponse. Mais, levant lentement ses yeux noirs, elle regarda madame Bird avec une expression suppliante qui amena des larmes dans les yeux de l’excellente petite femme.
    « Vous n’avez rien à craindre ici ; vous êtes avec des amis ; dites-moi d’où vous venez, et ce qu’on peut faire pour vous.
    – Je suis venue du Kentucky.
    – Quand ? demanda monsieur Bird reprenant l’interrogatoire.
    – Ce soir.
    – Comment avez-vous fait ?
    – J’ai traversé sur la glace.
    – Sur la glace ! se récrièrent-ils tous.
    – Oui, dit lentement la femme ; Dieu aidant, je l’ai fait. Ils étaient derrière moi, tout près, et il n’y avait pas d’autre route.
    – Hé là ! maîtresse, s’écria Cudjoe, la glace être toute brisée, et les blocs se dandiner et brandiller tout du long de l’eau !
    – Je le sais – je le sais bien, continua la femme s’exaltant : mais je l’ai fait ! Je n’espérais pas traverser ; qu’importe ! je ne pouvais que mourir. – Le Seigneur m’est venu en aide. – Personne ne sait, avant d’avoir essayé, jusqu’où le Seigneur peut le secourir ! ajouta-t-elle, et un éclair jaillit de ses yeux.
    – Étiez-vous esclave ? reprit M. Bird.
    – Oui, monsieur, d’un habitant du Kentucky.
    – Était-il dur pour vous ?
    – Non, monsieur ; un bon maître.
    – Et votre maîtresse ?… méchante peut-être ?
    – Non, monsieur ; excellente.
    – Pourquoi alors quitter une bonne maison et fuir à travers tant de dangers ? »
    La femme avait jeté sur madame Bird un regard scrutateur ; elle avait vu le deuil profond de ses vêtements.
    « Madame, dit-elle, n’avez-vous jamais perdu d’enfant ? »
    La question tout à fait inattendue rouvrait une blessure vive : il n’y avait pas un mois qu’un enfant chéri avait été déposé dans la tombe.
    M. Bird se détourna et marcha vers la fenêtre : sa petite femme fondit en larmes, et retrouvant enfin la voix : « Pourquoi me demander cela ? dit-elle ; j’ai perdu un cher petit…
    – Vous me plaindrez alors ; j’en ai perdu deux, l’un après l’autre ; ils sont enterrés là-bas, d’où je viens. Il ne me restait plus que celui-ci. Jamais je n’ai dormi une nuit sans lui. C’était tout mon avoir, tout mon amour, tout mon orgueil ! et l’on allait me l’enlever, madame, pour le vendre ! le vendre au Sud ! l’emmener tout seul ! un enfant ! un petit enfant qui jamais n’a quitté sa mère ! Je n’ai pu le supporter, madame. Je n’avais que lui au monde ; sans lui je ne pouvais plus être bonne à rien. Quand j’ai su les papiers signés, quand je l’ai su vendu, je l’ai pris dans mes bras ; j’ai couru toute la nuit : mais ils m’ont poursuivie, l’homme qui l’avait acheté et quelques-uns des gens de mon maître : je les sentais derrière moi, je les entendais ; et j’ai sauté sur la glace. Comment j’ai traversé, Dieu le sait, non pas moi. Seulement je me souviens d’un homme qui m’a tendu la main, de la rive, et m’a aidée à y monter. »
    Ni pleurs, ni sanglots ; la femme en était au point où les larmes tarissent. Mais chacun autour d’elle laissait, à sa manière, échapper les marques d’un profond attendrissement.
    Les deux petits garçons, après une perquisition désespérée dans leurs poches, à la recherche de ce qui ne s’y trouve jamais, un mouchoir, sanglotaient dans les pans du jupon de leur mère où ils s’essuyaient les yeux et le nez à cœur joie ; madame Bird se cachait le visage dans son mouchoir ; et la vieille Déborah, les larmes roulant le long de sa noire et honnête figure, s’écriait : Le Seigneur ait pitié de nous ! avec toute la ferveur d’un conventicule en plein champ ; tandis que le vieux Cudjoe répondait sur le même diapason, tout en se disloquant les traits par une succession de grimaces compatissantes et se frottant les yeux de toutes ses forces aux revers de ses manches. Quant au sénateur, c’était un homme d’État : on ne pouvait s’attendre à le voir pleurer comme le commun des mortels. Il tourna donc le dos à la compagnie, considéra la fenêtre,

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