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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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teinte de sa peau et de ses cheveux, avait suffi pour le métamorphoser en Espagnol, et la grâce de ses mouvements, la distinction de manières qui lui était naturelle, lui avaient rendu facile le rôle hardi qu’il avait adopté.
    Le brave M. Wilson, de caractère prudent et méticuleux, parcourait la chambre de long en large, « fort combattu et ballotté en esprit, » comme dit John Bunyan [24] . Partagé entre le désir d’aider Georges, et une certaine velléité de prêter main forte à la loi et à l’ordre, il marmottait, tout en marchant :
    « Eh bien, Georges, vous voilà en fuite, à ce que je suppose ! – Vous avez planté là votre maître… (ce n’est pas que je m’en étonne), et pourtant je suis fâché, – Georges ; – oui, décidément… je dois vous le dire, Georges… c’est mon devoir.
    – De quoi êtes vous fâché, monsieur ? demanda Georges avec calme.
    – De vous voir, pour ainsi dire, en opposition directe avec les lois de votre pays.
    – De mon pays ! répéta Georges avec une profonde amertume. Ai-je un autre pays que la tombe ?… Plût à Dieu que j’y fusse déjà !
    – Eh non, non, Georges ! – ne dites pas cela ! ce sont de mauvaises et irréligieuses paroles ! Georges, vous avez un dur maître, – c’est vrai ! – il se conduit mal avec vous… je ne prétends pas le défendre. Mais vous savez que l’ange donna l’ordre à Agar de retourner vers sa maîtresse et de s’humilier devant elle. L’apôtre aussi renvoya Onésime à son maître.
    – Ne me citez pas la Bible de cette façon, monsieur Wilson, dit Georges, l’œil étincelant ; non, ne me la citez pas ! car ma femme est chrétienne, et je veux l’être, si jamais j’arrive à le pouvoir. Me citer de pareils passages de la Bible, dans la passe où je suis, suffirait à m’en éloigner pour toujours. J’en appelle à Dieu tout-puissant : je suis prêt à plaider ma cause devant Lui, et à Lui demander si j’ai tort de vouloir être libre.
    – Ce sont des sentiments très-naturels, Georges, reprit le digne fabricant, et il se moucha. – Oui, très-naturels ; mais il est de mon devoir de ne pas les encourager. Oui, mon brave garçon, j’en suis fâché pour vous ; c’est un cas grave, très-grave ! L’apôtre dit : « Que chacun demeure dans la condition à laquelle il est appelé. » Nous devons tous nous soumettre aux suggestions de la Providence, – voyez-vous, Georges ! »
    Georges était debout, la tête en arrière, les bras étroitement serrés sur sa large poitrine, tandis qu’un amer sourire crispait ses lèvres.
    « Monsieur Wilson, dit-il, si les Indiens venaient vous faire prisonnier, vous, votre femme et vos enfants, et prétendaient vous tenir toute la vie à labourer et à faire venir le maïs pour eux, croiriez-vous de votre devoir de rester dans la condition à laquelle vous seriez appelé ? J’imagine plutôt que le premier cheval errant qui vous tomberait sous la main, vous semblerait une suggestion de la Providence ; – qu’en dites-vous ? »
    Le petit vieillard ouvrit de grands yeux à cette espèce d’apologue ; il n’était pas grand raisonneur, mais il avait du moins ce qui manque à tant de logiciens sur ce sujet spécial, – le bon sens de savoir se taire, quand on n’a rien de bon à dire. Il se mit à caresser son parapluie, et à en aplatir soigneusement toutes les rides, émettant de temps à autre quelques observations générales.
    « Vous savez bien, Georges, que j’ai toujours été de vos amis ; ce que j’en dis est pour votre bien. Il me semble vraiment que vous courez de terribles risques ! Vous ne pouvez espérer réussir. Si vous êtes pris, ce sera cent fois pis qu’avant : on vous maltraitera, et, après vous avoir tué à moitié, ou vous vendra au Sud, en bas de la rivière.
    – Je sais tout cela, monsieur Wilson. Je cours des risques ; mais je me tiens prêt. Il ouvrit son surtout, et montra deux pistolets et un couteau-poignard. Jamais je n’irai dans le Sud. Non ! si les choses en viennent là, j’aurai toujours le moyen de conquérir six pieds de terre libre, – première et dernière possession que je réclamerai jamais du Kentucky.
    – Vraiment, Georges, vous êtes dans une disposition d’esprit alarmante ! Vous parlez en désespéré. J’en suis chagrin ! Songez que vous allez violer les lois de votre pays.
    – Encore mon pays ! – monsieur Wilson, vous avez un pays, vous !

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