La chambre du diable
voleurs et aux
ruffians qui opéraient de nuit car il n’était point de fenêtre, point de
passage trop étroit où ils ne puissent s’y introduire.
– Sir John ! Sir John !
Le magistrat claqua des mains et proposa à leur chef, qui
s’honorait du nom de Sir Galahad, une gorgée de sa gourde. Le nain au visage
balafré la prit et faillit tomber à la renverse en inclinant la tête pour boire.
– Braves garçons ! commenta le coroner. Quelles
nouvelles avez-vous à annoncer à Sir John ?
Un chœur de voix glapissantes dans le patois des
bas-quartiers de Londres lui répondit. Sir John les écouta, en acquiesçant avec
bienveillance, puis s’accroupit quand Sir Galahad lui fit signe qu’il voulait
lui parler à l’oreille.
– Ah, par exemple ! Ça alors !
Le coroner fourra quelques piécettes dans la main du
nabot.
– Ils veulent votre bénédiction, mon frère.
Athelstan leva la main pour s’exécuter. Il n’en
croyait pas ses yeux : c’était un rêve. Mais, dès qu’il eut commencé le
rituel, ils mirent tous un genou à terre et baissèrent la tête.
– Que ce soit une bénédiction spéciale ! insista
le magistrat.
– Je vous bénis au nom de saint François, entonna
le dominicain, l’air solennel. On ne peut octroyer cette grâce qu’une fois par
mois et c’est vous qui allez la recevoir.
Ils s’agenouillèrent alors sur les deux genoux. Athelstan
eut un élan de pitié en voyant la façon dont ils croisaient leurs petites mains
sur leur poitrine.
– Que le Christ vous révèle sa face, dit-il. Qu’il
vous sourie. Qu’il vous garde tous les jours de votre vie.
Il esquissa un signe de croix.
Sir John lui saisit le poignet.
– Ils désirent aussi une invitation, expliqua-t-il
d’une voix rauque.
– Où cela ? s’étonna son secrétaire.
– À St Erconwald.
Athelstan se sentit défaillir mais garda le sourire.
– Ils vont déménager, continua le coroner. Ils
prétendent ne pas se sentir en sécurité ici.
– Oh, ne me dites pas, Sir John, qu’ils ont
choisi Southwark !
– Il semblerait que si. Ils connaissent l’un de vos
paroissiens, Ranulf, le tueur de rats. Ils ont ouï parler de sa guilde.
Athelstan s’attendait à ce qui allait suivre et le
cœur lui manqua derechef.
– Vous leur plaisez, Athelstan. Vous comprenez, ils
ont formé leur propre guilde.
– Et ils veulent que St Erconwald devienne leur
église ?
– Ne refusez pas. Ils me sont fort utiles, mon
frère.
– Vous serez les très bienvenus, annonça le
dominicain.
Sir Galahad reprit en hâte la parole. Athelstan
comprenait quelques termes de son patois et reconnut les mots « maison »
et « tueur de rats ».
– Apparemment, traduisit Sir John, l’ami Ranulf a
envoyé certains d’entre eux dans les greniers, les caves et les tunnels pour
découvrir où les rats faisaient leur nid. Il leur a trouvé un logis non loin de
St Erconwald, au coin de Cat Stall Alley.
Athelstan sourit.
– Oh, que Dieu nous aide, Sir John, chuchota-t-il
quand les Pygmées, babillant dans leur surexcitation, eurent disparu dans une
venelle. St Erconwald va devenir…
– Le refuge de l’étrange et du merveilleux ?
– Plus exactement, Sir John, l’arche de Noé. Pleine
de toutes les espèces des créatures de Dieu.
Il rejeta sa coule sur la nuque.
– Mais que vous voulaient ces nains ?
– Oh, ils me narraient les ragots du quartier. Vous
souvenez-vous de l’échauffourée dont nous fûmes témoins ce matin ? De
toute évidence, les agents de la Grande Communauté du Royaume pullulent à
présent en ville. Leur seule difficulté, c’est qu’ils n’ont point d’armes.
– Ils paraissaient bien équipés ce matin.
– Oh, ils disposent de quelques flèches, c’est
vrai. Je vous le dis, mon frère, si l’orage éclate, Londres assistera à de
terribles combats. La Tour et les autres bastions le long de la Tamise seront
fortifiés. Maints marchands, Thomas Parr par exemple, transformeront leur
demeure en place forte. Les paysans peuvent marcher sur la cité avec houes et
râteaux, pioches et grands arcs, mais il leur faut des armes plus redoutables.
– N’auraient-ils pas pu les y transporter
auparavant ?
– Toutes les carrioles qui entrent dans Londres
sont fouillées par les baillis et les dizainiers du marché, sans mentionner la
légion d’espions dont dispose Gand. Les Pygmées nous ont aussi appris, continua
le coroner en ralentissant le
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