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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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fois les divers souterrains qui s’étendaient en un labyrinthe oublié des seigneurs eux-mêmes, apprenant à en connaître chaque danger, chaque accès, chaque sortie, mais celui-ci lui avait été interdit par Isabeau. Celui-ci et celui qui conduisait à Vollore. Depuis la mort de sa mère voilà huit jours, elle n’avait cessé de se demander à quel moment elle trouverait le courage de passer outre cet interdit. Et puis Albérie était venue lui rendre visite la veille et avait annoncé en la serrant contre elle affectueusement :
    –  Si tout se passe comme prévu, demain je te conduirai au-devant de ton destin.
    Il l’attendait là, au bout de ce corridor de roche rougeâtre et, pour la première fois de son existence, Loraline avait peur. Peur de cette vérité que quelque chose d’indéfinissable en elle ne parvenait pas à admettre. Comme si elle avait pu capter son trouble, Albérie s’empara avec détermination de son petit poing fermé et, forçant sa main moite à se détendre, la garda dans la sienne, rassurante :
    –  N’aie crainte, mon enfant. Tout ira bien !
    Loraline voulut répondre, mais sa gorge nouée ne laissa échapper aucun son ; alors elle concentra toute son attention sur ses pieds pour contourner les vides qui s’ouvraient devant elle et pouvaient engloutir une jambe entière dans quelque obscure salle naturelle. Elles progressèrent encore un moment sur une pente ascendante, puis le boyau rétréci les obligea à marcher tête courbée l’une derrière l’autre, jusqu’à arriver dans un cul-de-sac. Albérie fit basculer une pierre saillante sur le roc, et la lumière crue du jour inonda les parois suintantes du souterrain. Albérie s’avança dans la pièce sans hésiter, traînant dans son sillage le pas prudent de sa nièce.
    Loraline écarquilla ses yeux verts que ce trop-plein subit de lumière brûlait soudain jusqu’aux larmes, puis s’avisa qu’elle se trouvait dans une chambre vaste et carrée agrémentée d’un lit sobre, d’un coffre aux ferrures ouvragées et d’un bureau qui disparaissait sous un amoncellement de livres reliés de cuir épais. Certains même s’empilaient sur une chaise à bras où gisait déjà une cape écarlate qui dégageait alentour une entêtante odeur de musc.
    Elles avaient accédé à la pièce par le renforcement gauche d’une large cheminée qui s’ouvrait dans la muraille. Loraline nota que les flammes du foyer, aussi fournies soient-elles, n’avaient pas seulement léché leurs souliers tant l’âtre était large, occupant presque un mur entier. Suivant son regard, Albérie chuchota :
    –  Ne te soucie pas de ces détails, mon enfant. Celui qui a conçu ce passage a été inspiré de bon sens. Il voulait aller et venir sans que nul s’en inquiète. Nous sommes les seules à connaître ce secret. Même le feu de l’enfer ne te brûlerait point.
    –  Je sais, ma tante. J’ai vu semblable cheminée à Fermouly lorsque, toute petite, Mamie Amélie m’avait entraînée sur ses traces dans le souterrain.
    Albérie hocha la tête. Elle n’avait pas remis les pieds à Fermouly depuis que Huc de la Faye l’en avait écartée enfant, mais elle se souvenait du passage pour avoir vu maintes fois l’aïeule tirer sa chaise du devant de l’accès caché et s’enfoncer derrière les flammes. A cette époque-là, elle ignorait encore le secret d’Amélie Pigerolles et se contentait d’attendre qu’elle revienne de sa destination inconnue sûrement peuplée de lutins et de fées. Comme pour lui donner raison, souvent la Turleteuche lui rapportait de jolies pierres colorées qu’elle déposait cérémonieusement dans un coffret de buis comme le plus précieux des trésors. Un trésor qu’elle avait abandonné là-bas en même temps que l’insouciance de son enfance. Un soupir à l’âme, Albérie balaya cette vision avec nostalgie. C’était au nom de ces souvenirs perdus qu’elle était là. Résolument, elle s’avança vers la fenêtre à meneaux qui faisait face à la cheminée.
    –  Approche !
    Loraline s’exécuta et, à l’exemple de sa tante, se dissimula dans les plis des lourdes tentures pour observer l’extérieur. Au-dessous d’elles, dans la cour, un homme piaffait d’impatience au pas nerveux d’un superbe cheval noir. Bien que séduisant, son visage sévère forçait à la crainte, tandis qu’il activait d’une voix rude quelques gens d’armes achevant de vérifier leurs

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