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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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là, la boue autour de la tour aurait laissé des empreintes visibles. Il n’y avait rien. Il s’était mis à fouiller méthodiquement la pièce dans l’espoir d’un indice quelconque. C’est alors qu’il avait compris que son journal avait été lu. Il consignait sur parchemin depuis quinze années chacune de ses expériences, ses résultats, ses erreurs, ses appréciations. Ainsi, il progressait lentement mais sûrement. Les parchemins étaient ouverts l’un dans l’autre, formant une pile impressionnante de feuilles qu’on avait consciencieusement empêchées de s’enrouler en déposant aux quatre coins un lourd bougeoir muni d’une chandelle de cire.
    S’il avait cette habitude, il se souvenait parfaitement avoir roulé le tout dans un angle de la table pour que la poussière venue des vitres brisées ne s’y dépose pas. Après avoir allumé, il s’était rendu compte qu’on avait complété ses dernières annotations, mais non avec de l’encre comme cela aurait dû être. Les lettres irrégulières semblaient composées d’une masse brune qui les détachait en relief, rendant la lecture difficile. Nombre de ses précédentes lignes étaient recouvertes de cette même matière, et des annotations avaient été ajoutées un peu partout sur la feuille. La curiosité, l’impatience avaient balayé la crainte. Ne parvenant à déchiffrer en l’état ce curieux message, il avait eu l’idée de retracer les mots à l’encre. Il avait à peine fini d’écrire le premier sur l’épaisseur de ses lettres que celui-ci s’était embrasé en crépitant, gagnant la ligne tout entière comme une traînée de poudre. Il avait pu lire l’inscription incandescente : « Je suis venu chercher ce qui m’appartient : ton âme ! »
    –  Je me suis affolé, mon père, ajouta François de Chazeron dont le regard trahissait l’authenticité de ses paroles. J’ai saisi un tisonnier et, mû par un incontrôlable réflexe, j’ai précipité les feuilles dans l’athanor. Je m’imaginais sans doute qu’il serait plus aisé d’éteindre les flammes à cet endroit. Sur la table, tout près, se trouvaient des acides et diverses préparations qui, au contact des flammes, auraient sans doute embrasé la pièce entière. Je ne sais ce qui s’est passé ensuite. J’ai saisi un broc que je savais empli d’eau et l’ai vidé sur les parchemins qui recouvraient la masse d’or, satisfait je crois d’avoir sauvé une partie de mes écrits les plus anciens, espérant par ce geste sauver le reste. Je me souviens encore d’une explosion. Ensuite vinrent les ténèbres.
    Lorsqu’il se tut, le front suintant d’une sueur aigre au seul souvenir de ces images, un lourd silence plomba la pièce.
    Antoine de Colonges hochait la tête par intermittence, songeur. Tentant ainsi, dans un prétexte d’analyse, de dissimuler la profonde satisfaction qu’il éprouvait à la réaction du seigneur de Vollore. Albérie avait vu juste. En détruisant son travail, elle avait atteint l’homme dans sa chair et jeté les prémices de sa perte. Il suffirait de le conforter dans ses craintes. Cet homme en avait trop sur la conscience pour n’être pas persuadé que le diable lui-même viendrait désormais chercher son dû.
    Antoine se tourna vers le prévôt qui semblait désorienté. Quoi qu’il puisse imaginer, Huc ignorait trop de choses et en particulier l’existence du passage qui grimpait au cœur de la muraille jusqu’au dernier étage de la tour de Vollore. Reliant le château à la place forte de Montguerlhe, le souterrain datait de la guerre de Cent Ans. Une vieille légende prétendait qu’à cette époque des forgerons de grand talent s’y étaient abrités. Les épées martelées là sortaient des forges de l’enfer, assurant la victoire à qui les possédait. Durant cette même guerre, de l’or anglais y avait été caché.
    L’abbé n’avait pas l’intention de partager ce savoir avec le prévôt, il l’emporterait dans la tombe. Il en avait fait le serment à Isabeau. Une part de lui, il en avait conscience, avait été corrompue loin de ses fonctions, loin de la règle cistercienne. François de Chazeron allait enfin payer pour ces crimes inutiles, sacrifices odieux pour une quête méprisable, quand sa seule raison d’être, cet or dont il espérait la puissance, dormait sous ses pieds.
    Antoine redressa un menton vengeur et s’appliqua à détacher chacun de ses mots. De juge, François de

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