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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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l’on découvre tes vêtements autour d’une charogne que les loups ont suffisamment rongée pour la rendre méconnaissable. On pensera que tu seras sorti par quelque passage secret sans doute, mais nul n’aura de preuves s’il ne le trouve.
    Si tu revenais à Montguerlhe, il te faudrait raconter ce que tu sais, ma tante ne te le permettrait pas, comprends-tu ?
    Philippus songea un instant à son brave valet qui, seul dans ce pays, le pleurerait sans doute. Il se dit qu’au mieux Corichon obtiendrait au château de nouvelles charges et y serait heureux, au pis il reprendrait la route aux beaux jours pour porter la triste nouvelle aux siens. Là il retrouverait son maître bienheureux de son épousée ramenée avec lui.
    –  Tu as fait ce qu’il convenait de faire, assura-t-il.
    Il prit entre les siennes les chaudes mains rugueuses de son aimée. « Dieu qu’elle est belle », songea-t-il en se perdant dans la mousse de son regard délicatement ourlé de longs cils noirs.
    Il la laissa s’occuper de renouveler son pansement en soupirant de bonheur. Malgré l’inconfort de cette grotte sommaire et sa nudité, il n’avait pas froid. Bien au contraire, il n’était que tiédeur et lumière. Celle qui émanait de Loraline ennoblissait tout.
    Lorsque Cythar se redressa pour passer une langue râpeuse sur sa joue, il n’éprouva cette fois aucune crainte. Grisé par le plaisir de cette approche, lui qui respectait les loups, il avança une main sur le dos de l’animal et y attarda une caresse. Le loup s’assit tel un chien devant son maître, le regard vif et intelligent de celui qui a choisi les siens.
    « Je suis l’homme le plus chanceux de cette terre », songea Philippus. Alors pourquoi son ami Michel de Nostre-Dame ne lui avait-il rien dit ?

12
     
     
     
    16 novembre 1515 à Montguerlhe.
    Jamais froid plus vif n’a assommé la contrée. Cet hiver sera le plus rigoureux que j’aie connu. Chaque jour depuis une semaine de pauvres gens s’en viennent réclamer hospitalité à la forteresse. Malgré les réserves de bois accumulées, les abris reconstruits précairement après la tempête sont glacials. Souvent la neige tombant par le trou béant de la cheminée rabat la fumée dans les logis avant d’éteindre les flammes. Des nausées répétées ne me permettent plus de venir en aide à ces miséreux. Ils se blottissent par dizaines dans la salle commune où nous parvenons grâce à Dieu à soulager leur peine. Nombre pourtant ont péri. Les enfants surtout. J’en éprouve grande lassitude et pesant chagrin.
    Mon époux se remet lentement de sa maladie. Huc prétend que sa chambre devait contenir un air vicié puisque, installé ailleurs, il se sent mieux. Ils me tiennent l’un et l’autre écartée de leur compagnie. Peut-être me reprochent-ils d’avoir convaincu ce médecin suisse de veiller et soigner François. François prétend qu’avant de disparaître il lui a volé grand bien, qu’il avait eu l’inconséquence de lui montrer dans sa faiblesse.
    Dieu l’a puni. Sa dépouille a été retrouvée hier, non loin du château, en bordure du muret qui délimite la route de Thiers. Le paysan nous a rapporté sa trousse qui gisait intacte au milieu des pierres. Il a voulu l’échanger contre des vivres pour sa famille.
    Huc s’est rendu sur place, a longuement questionné l’homme, mais je n’ai pas su le contenu de son rapport. Il ne me dit plus rien. De la colère de mon époux, j’ai déduit que le bien n’avait pas été retrouvé. Il m’importe peu de connaître sa nature. Avoir été trompée par un simple voleur soi-disant médecin m’attriste parce que je ne sais quoi faire de son valet. Il est muet et fort peu responsable du mauvais de son maître. La grosse Jeanne s’est émue de sa figure. Il est habile à son content. Je le lui laisse. La besogne est abondante avec ces réfugiés.
    J’ai dépêché un garde à l’abbaye du Moutier pour rendre compte des faits à l’abbé Antoine et le prier de donner refuge, pain et feu à ceux-là qui viendraient en peine. J’ai appris en retour qu’il était bien malade lui aussi. Le froid, m’a-t-on dit, lui est entré aux poumons, et il tousse si violemment que l’on s’inquiète autour de lui.
    Je me sens seule, les routes sont à peine praticables, mes dames de compagnie se lamentent, soupirent en rêvant à ces cours du Sud où l’on chante, danse et rit, où les amuseurs, troubadours et conteurs se pressent

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