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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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même en hiver. Puisse Dieu me laisser cet enfant pour adoucir ma peine et mon ennui. Je file, tisse et couds sa layette, c’est ma seule satisfaction en ces heures mornes, où Huc ne me visite plus. Je me range à la raison.
    Albérie m’évite, je la sens préoccupée. Peut-être sait-elle ? Si cette femme me perd, je mourrai de la main vengeresse de mon époux. L’enfant avec moi.
    Cette nuit est lune pleine. Que n’aide épousé quelque seigneur gascon… »
    Antoinette de Chazeron égoutta sa plume d’oie, reboucha l’encrier puis referma son livre d’heures après avoir éventé son écriture fine et racée. La nuit descendait lentement sur la montagne, mais depuis longtemps déjà les chandelles avaient succédé à la clarté neigeuse.
    Les anciens prétendaient que Dieu avait voulu détruire Satan en l’emprisonnant dans les glaces. Peut-être était-ce vrai ! Son époux avait lâché que c’était pour cette raison seule que le diable n’était pas revenu le chercher. L’instant d’après, comme elle avait osé s’inquiéter des raisons qui eussent pu conduire Satan en leurs murs, il la chassait de sa chambre, furieux de son indiscrétion. Puisque François était redevenu odieux, elle ne pouvait plus douter de sa guérison.
    Elle se leva, emportant contre son cœur le cahier de ses confessions, ouvrit un tiroir dans un secrétaire, l’y déposa puis boucla la fine serrure à l’aide d’une petite clé qui ne quittait jamais son sein.
    Elle s’attarda un instant sur son prie-Dieu pour ses dévotions du soir et se coucha en soupirant avant de moucher la chandelle. Elle n’avait pas barré sa porte. Ce soir encore, elle attendrait que Huc la franchisse tout en sachant qu’il ne viendrait pas. Tous deux souffraient de cette abstinence de tendresse et d’amour, mais elle comprenait sa prudence et la respectait. Elle guetta un long moment les pas dans le corridor puis s’endormit sur ses rêves adultérins.
     
    Huc referma la porte sur le sommeil régulier de François de Chazeron, laissant en faction un de ses plus fidèles gardes. Il le faisait par habitude, même s’il était persuadé que ce n’était plus utile. Il avait résolu le mystère de Montguerlhe en découvrant les restes du médecin. Tout lui apparaissait clairement désormais. Cet imposteur avait dû croiser messire François à Clermont lors de son voyage et le suivre. Avait-il ouvert le souterrain par hasard, l’avait-on renseigné ? Quoi qu’il en fût, si Philippus avait pu disparaître ainsi, c’est qu’il en savait l’accès et détenait le secret du mécanisme. Philippus avait donc administré quelque drogue à François pour induire la nécessité de son intervention. Peut-être n’avait-il pas trouvé l’or au cours de ses premières visites ? Il s’était annoncé au château avec un muet qui ne risquait pas de le trahir, s’était érigé en maître docteur, avait habilement détourné les soupçons en parlant d’empoisonnement et en droguant leur soupe. De fait, le lendemain de sa disparition, Huc avait retrouvé le potage versé derrière un meuble, preuve que Philippus savait ce qu’il contenait.
    Philippus avait convaincu François de son intérêt pour les alchimistes, l’avait poussé aux confidences, puis avait dérobé la barre d’or avant d’abandonner son prétendu valet devenu inutile. Hélas pour lui, la justice divine l’avait rattrapé. Les loups affamés s’étaient chargés de son affaire. Philippus von Hohenheim n’avait eu que ce que méritait tout voleur.
    Huc aurait dû se sentir soulagé d’avoir éclairci cette énigme, au lieu de cela il s’en voulait. Albérie avait eu raison de se dresser contre lui. A cause d’Antoinette, il avait trahi quinze années de confiance pour noyer les remords de sa conscience. Il désirait Antoinette, mais depuis le jour où il avait appris que son épouse savait, il ne parvenait plus à l’approcher.
    Cette nuit, il comptait se racheter. Parce que c’était pleine lune. Parce qu’Albérie aurait besoin de lui après. Parce qu’il voulait lui faire comprendre que rien n’était perdu. Parce qu’il avait pris conscience trop tard que son épouse l’aimait bien davantage qu’elle ne haïssait le bourreau des siens. C’était plus qu’il n’avait osé espérer d’elle. Lorsqu’elle reviendrait, il la convaincrait d’être sienne, pour conjurer sa peur à jamais, pour lui prouver qu’elle ne lui faisait pas horreur et

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