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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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en plus. Il
     avait dit :
    — Ce n’est pas croyable ! J’vais te confier quelque chose que pas grand monde
     sait, François-Xavier. Ceux qui ont obtenu le contrat pour construire la
     centrale de Beauharnois, tu sais une centrale hydroélectrique, comme au lac
     Saint-Jean, cette compagnie a versé 864 000 piastres dans la caisse électorale
     de notre beau parti libéral pour l’avoir, ce contrat-là. Les libéraux, ils
     scient la planche sur laquelle ils sont assis. Quand ça va craquer, ils vont
     tomber de haut !
    François-Xavier avait rétorqué que d’après lui, les libéraux n’étaient pas de
     bons capitaines de bateau. Ils étaient censés être au pouvoir pour tenir le
     gouvernail et les diriger avec adresse. Au lieu de cela, le pouvoir d’être à la
     barre les grisait, et les entraînait droit vers les récifs…
    Ti-Georges le sortit de ses pensées en lui demandant pour la deuxième fois si
     cette planche était pour aujourd’hui ou pour demain.
    — On va être encore là à la mi-carême !
    François-Xavier s’assura de faire dépasser un peu sa marque et, appuyant
     fermement sur la planche pour la garder en équilibre, y alla de vigoureux
     va-et-vient bien droits sur la ligne tracée. Il savait exactement quelle
     pression exercer pour faire une coupe parfaite. Le morceau coupé tomba et alla
     rejoindre le petit tas de sciure qui s’accumulait depuis le début des
     travaux.
    Un peu plus tard, ils firent une pause. Ti-Georges regarda son ami en lui
     tendant une cruche d’eau. Profitant du fait qu’Elzéar était parti dans la cave
     chercher un pot de clous, il décida de jaser un peu.
    — Julianna va ben ?
    — Ben oui, comme d’habitude, répondit François-Xavier.
    — Ben tant mieux, ben tant mieux… Pis Marie-Ange itou ?
    — Tu les as vues pas plus tard qu’hier à messe, Ti-Georges !
    — Oui, oui, mais des fois…
    — Marie-Ange est en pleine forme.
    — Ben tant mieux, ouais, ben tant mieux… Pis les dernières nouvelles de
     Léonie ?
    — Les mêmes que tu sais. A parle de mariage avec monsieur Morin.
    — C’est ben tant mieux, ça… ben tant mieux… Pis Henry ?
    François-Xavier perdit patience.
    — Ti-Georges, ça va ?
    — Moé, ben oui !
    — Bon ben tant mieux ! railla François-Xavier.
    — J’ai reçu une lettre de Jean-Marie, avoua Ti-Georges.
    — C’est ça que t’avais encore à tourner autour du pot ! Que c’est qu’y
     écrit ?
    — Ben... Y va ben. Y a pas de job nulle part. Y est revenu au Canada mais dans
     l’Ouest.
    — Pis que c’est qu’y dit d’autre ? Y explique-tu pourquoi y est parti ?
    — Pas vraiment. Y me souhaite ben du bonheur avec Rolande.
    — Y laisse-tu une adresse ?
    — Ouais, une famille chez qui y loge.
    — Tu vas y répondre, j’espère ?
    — J’ai rien à y dire !
    François-Xavier laissa passer un moment.
    — J’le sais que c’est pas facile, Ti-Georges. Mais c’est ton fils…
    — C’est lui qui a sacré le camp sans rien dire !
    — Un coup de tête de jeune… Tu m’feras pas accroire que t’as jamais rêvé de
     partir quand t’avais l’âge de Jean-Marie !
    — Peut-être ben, mais j’ai fait mon devoir de fils, moé ! J’ai
     pas laissé le père avec toute la charge sur le dos à cause d’une petite chicane.
     Pis moé, j’en aurais eu des vraies raisons de crisser mon camp !
    — Y devait avoir les siennes, Ti-Georges. On les connaît juste pas.
    — Bon v’là Elzéar qui revient. Y est mieux d’avoir ben regardé pis de me
     rapporter mes clous. Y est assez coq-l’œil cet enfant-là. Y voit jamais
     rien !
    Ti-Georges alla à la rencontre de son fils en maugréant. François-Xavier secoua
     la tête.
    « C’est à se demander qui est le plus aveugle dans cette famille ! »
     songea-t-il en voyant son ami rudoyer son garçon qui revenait bredouille. Léonie
     avait raconté la dispute survenue entre Jean-Marie et son père quelques semaines
     avant la fuite du fils. François-Xavier se promit de faire attention à ses
     enfants. L’enfance est la fondation d’un adulte. La malmener y laisse des
     fissures qui peuvent affaiblir toute la structure.

    Ah, le lundi, jour de lessive ! Julianna était dehors et décrochait le lavage
     de la corde à linge. Sa nouvelle vie était beaucoup plus rude que tout ce
     qu’elle avait jamais connu. Par chance, contrairement à la semaine précédente,
     il y avait eu un beau

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