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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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était clair : « Ce crétin de
capitaine ne nous a pas débarqués dans le bon port, dit-il. Comment fait-on
pour aller à Buffalo ?»
    L’homme lui désigna la fenêtre,
et l’océan derrière elle. Lev sentit ses tripes se nouer : il devinait ce
qu’il allait dire.
    « C’est par là. Cinq mille
kilomètres à l’ouest. »
    3.
    Lev se renseigna sur le prix d’un
billet pour New York. Une fois la somme convertie en roubles, il constata qu’elle
correspondait à dix fois son pécule.
    Il refoula sa rage. Les passagers
avaient été bernés par la famille Vialov, par le capitaine… ou, plus
probablement, par l’une et par l’autre, car le coup était plus facile à
exécuter à deux. Ces porcs avaient spolié Grigori de ses économies durement
gagnées. S’il avait tenu le capitaine del’ Ange Gabriel, il
l’aurait étranglé, et aurait éclaté de rire en l’entendant pousser son dernier
soupir.
    Mais il ne servait à rien de
rêver de vengeance. L’essentiel était de ne pas baisser les bras. Il allait
trouver du boulot, apprendre l’anglais et s’introduire dans un cercle de jeu où
l’on pouvait gagner gros. Cela ne se ferait pas en quelques jours. Il lui
faudrait être patient. Il devait apprendre à ressembler à Grigori.
    La première nuit, ils dormirent
tous dans la synagogue, Lev comme les autres. Les Juifs de Cardiff ignoraient
que certains des passagers étaient chrétiens, ou alors cela leur était
indifférent.
    Pour la première fois de sa vie,
il perçut les avantages de la judéité. En Russie, les Juifs subissaient de
telles persécutions qu’il s’était toujours demandé pourquoi ils ne préféraient
pas renier leur religion, changer de tenue et se mêler au reste de la
population. Cela aurait sauvé bien des vies. Mais il comprenait à présent qu’un
Juif pouvait débarquer partout dans le monde et y trouver une famille.
    Ainsi qu’il le découvrit, ce n’était
pas la première fois qu’un groupe d’émigrants russes échouait en
Grande-Bretagne, à Cardiff et dans d’autres ports, après avoir acheté un billet
pour New York. Et, comme la plupart de ces émigrants étaient juifs, les anciens
de la synagogue disposaient d’une procédure bien rodée. Le lendemain matin, on
servit un petit déjeuner aux voyageurs, on changea leurs roubles contre des
livres, des shillings et des pence, et on les conduisit dans des pensions où
ils purent louer des chambres à bas prix.
    À l’instar de toutes les villes
du monde, Cardiff abritait quantité d’écuries. Lev acquit le vocabulaire
nécessaire pour se présenter comme un palefrenier expérimenté puis partit en
quête d’un travail. Ses employeurs potentiels constatèrent bien vite qu’il
savait s’y prendre avec les bêtes, mais les mieux disposés d’entre eux avaient
eux-mêmes quelques questions à lui poser, et il ne pouvait ni les comprendre ni
y répondre.
    En désespoir de cause, il tâcha d’apprendre
un peu plus d’anglais et, au bout de quelques jours, il en savait assez pour
déchiffrer les prix et s’acheter du pain et de la bière. Malheureusement, les
questions qu’on lui posait demeuraient trop compliquées, portant sans doute sur
ses précédents emplois et sur ses relations avec la police.
    Il retourna à la mission pour
marins et expliqua son problème à l’employé russe. Celui-ci lui indiqua une
adresse à Butetown, le quartier le plus proche des quais, et lui dit d’aller
voir Filip Kowal, surnommé le Polak, un chef d’équipe qui recrutait des
travailleurs étrangers pour un salaire de misère et baragouinait la plupart des
langues européennes. Il donna rendez-vous à Lev le lundi suivant à dix heures
du matin, sur le parvis de la gare principale.
    Lev était si heureux qu’il ne s’inquiéta
même pas de la nature de son emploi.
    À l’heure et au lieu dits, en
compagnie de deux cents hommes, en majorité russes, mais comptant dans leurs
rangs des Allemands, des Polonais, des Slaves et même un Africain à la peau
noire, il fut ravi de retrouver Spiria et Iakov.
    On les fit monter dans un train à
vapeur, Kowal ayant payé leur billet, et ils gagnèrent une jolie contrée
montagneuse, plus au nord. Nichées entre les collines vertes, les cités
industrielles ressemblaient à des étangs d’eau noire. Dans chacune d’elles, on
apercevait au moins une tour surmontée de deux gigantesques roues, et Lev
apprit que l’extraction du charbon était la principale activité de la

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