La complainte de l'ange noir
rafale le giflait. Il remercia Dieu que le vent vienne des terres et non de la mer. Pourtant l’échelle oscillait dangereusement et il raffermit sa prise en descendant les échelons.
— C’est tout près ! hurla Ranulf.
Sa voix semblait provenir de la falaise, à côté de Corbett.
— Par ici, Messire !
Corbett se tourna vers sa droite et aperçut la main tendue de Ranulf. Il agrippa plus fermement la corde, puis saisit la main de son serviteur.
— Allez-y ! lui cria ce dernier.
Il s’élança et, légèrement contusionné par le frottement contre la roche, fut brutalement tiré dans une caverne souterraine. L’endroit était humide et sombre. Ranulf s’enfonça dans la pénombre. Il prit deux chandelles dans son justaucorps et les alluma avec de l’amadou. Il revint sur ses pas et en tendit une à Corbett. Le clerc parcourut la caverne du regard et remarqua les flaques d’eau par terre.
— N’y a-t-il pas de danger ? marmonna-t-il. La marée peut-elle arriver jusqu’ici ?
— Non, c’est trop haut, le rassura Ranulf. Mais l’écume et la pluie pénètrent ici, d’où cette humidité. Vous avez vu la falaise, ce sont des couches de calcaire. Ça doit s’imbiber comme un rien.
L’écho de sa voix résonnait dans la grotte.
— Par le ciel, bougonna Corbett, j’ai bien envie de dire au roi de venir chercher son trésor lui-même.
Ranulf mourait d’impatience de continuer.
— Personne d’autre ne vient ? demanda-t-il.
Corbett fit signe que non.
— Il vaut mieux que nous ne soyons que tous les deux pour cette besogne.
Ils s’enfoncèrent dans la grotte. Corbett s’arrêta soudain pour examiner d’étranges fresques sur les parois : des hommes, armés de lances et de boucliers, chassaient des animaux bizarres qu’il n’avait jamais vus. Les teintes employées étaient le noir, le rouge et l’ocre.
— Cela a-t-il un quelconque rapport avec le trésor ? s’enquit Ranulf.
Corbett s’approcha des fresques.
— J’en doute. J’ai entendu parler de fresques semblables dans des cavernes de la côte sud, peintes par des peuples disparus depuis longtemps.
Corbett suivit son serviteur. Sa nervosité s’accrut lorsque le souterrain se rétrécit. Allaient-ils se heurter à une paroi ? Avait-il mal interprété le dessin d’Alan of the Marsh ? Ou était-ce une ruse subtile pour dissimuler la véritable cachette ? Ranulf, lui aussi, se montra soudain moins bravache. Ils furent bientôt obligés de cheminer l’un derrière l’autre. Les parois semblaient vouloir les écraser et la roche au-dessus de leur tête paraissait fondre sur eux pour les prendre au piège. Ils arrivèrent dans un étroit goulet, large à peine d’un pied. Ranulf s’y faufila difficilement. Corbett l’entendit s’exclamer et le suivit : ils avaient débouché sur une spacieuse salle souterraine.
— Ce doit être là, chuchota Ranulf.
Ils s’avancèrent, éclairés par la pâle lueur des chandelles de suif. Ils se séparèrent, Corbett prenant sur la droite et Ranulf allant au fond. Le coeur de Corbett battait à tout rompre. Trouveraient-ils quelque chose ? Les appels de Ranulf lui apportèrent la réponse.
— Messire, c’est ici !
Corbett le rejoignit. Au début, il ne vit que la tache de lumière, mais Ranulf s’accroupit en brandissant sa chandelle. Quatre ou cinq gros sacs s’entassaient contre la roche. Le tissu commençait à se désagréger et Corbett distingua les objets précieux qu’ils contenaient.
— Le trésor royal ! s’exclama Ranulf.
Il déplaça sa chandelle et Corbett vit le bras tendu d’un squelette et son crâne violemment rejeté de côté.
— Et voici son gardien, le père James.
Corbett examina soigneusement le squelette. La chair avait disparu depuis longtemps, les os fragiles étaient jaunis. Des bottes et une ceinture de cuir, quelques bouts de tissu, voilà tout ce qu’il restait. Corbett désigna la nuque fracassée.
— D’après moi, Alan of the Marsh et Holcombe se sont partagé le trésor. Voici la part d’Alan. En tant que contrebandier, il devait connaître l’existence de cette caverne. Il avait besoin de quelqu’un d’autre pour l’aider, aussi alla-t-il voir le prêtre de sa paroisse. Ils ont apporté le trésor ici en empruntant le même chemin que nous. Ensuite, Alan a tué le prêtre en lui brisant la nuque avec une pierre.
Ranulf s’impatientait. Il empoigna l’un des sacs usés par le temps. Le tissu
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