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La confession impériale

La confession impériale

Titel: La confession impériale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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croix et le talisman contenant un cheveu de la
Vierge, dont il ne s’était jamais séparé. Sur ses genoux, le chapelain plaça
l’évangéliaire que Charles avait dans ses bagages lors de son couronnement, à
Rome. On fit édifier au-dessus du tombeau un dais de marbre orné de mosaïques.
    Des visiteurs venus d’Italie me révélèrent,
après avoir prié dans la chapelle, que les fresques de ce sarcophage, dit
« de Proserpine », déesse romaine, fille de Jupiter, racontaient son
enlèvement par Pluton, dieu des Enfers. Sa réalisation remontait à l’empereur
Marc Aurèle. Ces fresques avaient rappelé à Charles, patrice des Romains, la
gloire des anciens empereurs.
    Le sarcophage
descendu dans une fosse creusée sous les dalles, Louis fit inscrire sur une
arcade de bois doré ces quelques mots en guise d’épitaphe : « Dans
cette sépulture repose le corps de Charles, grand et orthodoxe empereur, qui
étendit avec gloire le royaume des Francs, gouverna avec bonheur durant
quarante-sept années et mourut septuagénaire, l’an du Seigneur 814, le 5 des
calendes de février. »
    Je préfère à ce bref et sec résumé de
l’existence de Charles l’oraison funèbre d’un moine irlandais, dont les
dernières phrases sonnent comme un glas :
    « La Gaule, qui a souffert de tant de
cruelles épreuves, n’a jamais éprouvé pareille douleur. Depuis que l’auguste
Charles repose dans sa terre d’Aix, la nuit me refuse le sommeil et le jour la
lumière. Je sèche mes larmes et offre pour lui ma prière au Seigneur. Que le
Christ reçoive le pieux Charles en sa demeure, au milieu de ses apôtres. »
    Les ambitions de
Charles sont, hélas, restées inabouties.
    Il a donné à la Francie d’immenses territoires
ouverts à la civilisation et à l’évangélisation, mais cet empire était et reste
un brouillon. Les marches de la Germanie et d’Espagne n’offrent qu’un rempart
précaire à l’invasion. À l’intérieur, la situation est loin d’être sereine. La
mort de Charles a libéré les instincts brutaux des comtes, la rapacité des
religieux et les ambitions des missi. Les relents de vengeance qui
agitent les territoires soumis pénètrent peu à peu la Francie. Nous sommes loin
de la « Jérusalem céleste » dont rêvait Charles. Les anges noirs, en
l’emportant, ont brisé cette ambition, à jamais peut-être.

2
    Ce n’est qu’un mois plus tard, à la fin de
février, que Louis, notre nouvel empereur, a daigné venir s’incliner sur la
sépulture de son père. Sa douleur faisait peine à voir. Il est resté près d’une
heure en prière dans la chapelle, le front contre la pierre, à se battre la
coulpe et à gémir.
    Après de brefs séjours à Doué, au sud de la
Loire, et à Saint-Denis, il est arrivé à Aix sous un déluge de pluie glacée,
entouré d’une escorte aquitaine. Au cours d’un repas, il m’a parlé de la
chapelle palatine, dont il admire l’architecture, mais réprouve le luxe,
« attentatoire, me dit-il, aux préceptes de pauvreté des Évangiles »,
son livre de chevet. Il a sacrifié une journée en entretiens avec Walla et les
officiers palatins pour examiner les comptes du royaume qui lui ont paru sinon
suspects, du moins inextricables, son père manifestant peu de goût pour les
finances et se livrant volontiers à des opérations dispendieuses. La chapelle
en était l’exemple.
    En revanche, il s’est montré satisfait des
services du palais, qu’il a tenu à visiter de fond en comble, à commencer par
les cuisines.
    Je l’ai informé du dépôt sacré dont j’ai la
garde : l’énorme liasse de la confession impériale. Il m’en a félicité et
a manifesté le désir d’en prendre connaissance.
    — Ce n’est, ai-je objecté, qu’un
brouillon que Votre Majesté aurait du mal à déchiffrer. Je compte le recopier
en Caroline. Dès que j’en aurai terminé, ce qui demandera quelques mois,
Votre Majesté en sera informée et je lui en ferai tenir une copie… si la
pénurie de papyrus ne m’interdit pas de poursuivre ma tâche.
    Il me promit de m’en faire envoyer en
suffisance, son palais de Toulouse en étant bien pourvu.
    Avant de quitter Aix, il me surprit en me
demandant des nouvelles de mon épouse Emma, sa sœur, qui avait son âge à un an
près. Elle mène une existence si discrète que Charles, qui n’avait pas vu d’un
bon œil cette union et dédaignait de s’en informer, la recevait rarement. Comme
tous les grands

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