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La confession impériale

La confession impériale

Titel: La confession impériale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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perdit connaissance. Quand il revint à lui, un moment
plus tard, je parvins à lui faire raconter ce qu’il avait appelé un désastre. Après avoir bu un autre gobelet de vin, il fit des efforts pour
me satisfaire.
    Commandée par mon
neveu Roland, comte des marches de Bretagne, et son compagnon, Olivier,
officier de mon palais, l’arrière-garde s’était, sans trop de grabuge, tirée de
cette marche difficile, mais avait pris du retard en déblayant le chemin afin
de rendre la voie libre pour les chariots. La fin du jour était calme, avec
pour seuls bruits les cris des rapaces qui tournoyaient au-dessus de la colonne
et les jurons des conducteurs du convoi.
    Alors que l’arrière-garde venait de s’engager
dans le défilé de Rocesvalles (Roncevaux), des roulements de tambours et des
clameurs avaient éclaté de part et d’autre du torrent. Soudain, surgissant de
la forêt, une horde de Basques avait dévalé de toutes parts, faisant pleuvoir
sur le convoi des quartiers de roche, des flèches et des javelines.
    Sous ce déluge, Roland et Olivier avaient
tenté de regrouper la troupe et de la mettre à l’abri derrière les chariots.
L’étroitesse du défilé rendant toute manœuvre impossible, les cavaliers avaient
dû abandonner leur monture et dégainer leur épée en s’abritant derrière leurs
boucliers.
    Le comte Roland s’était servi de son oliphant
pour appeler l’avant de l’armée à la rescousse. Il en avait usé à se rompre la
gorge, puis, de guerre lasse, avait décidé de se joindre à ses compagnons et de
défendre sa vie. Côte à côte, Olivier et lui avaient résisté aux assauts des
Basques, les couchant un à un dans la pierraille, s’encourageant l’un l’autre,
protégés par leur broigne de métal. Autant se battre contre une tempête !
    — Tout ce que je sais, ajouta Geoffroy,
c’est qu’ils sont morts, dos à dos, l’épée en main, comme tous les nôtres, moi
excepté. Un miracle. Merci, mon Dieu…
    J’étais curieux de savoir comment lui seul
avait pu échapper au massacre. Il me raconta qu’il avait, en combattant,
escaladé le talus de pierres bordant le chemin et roulé dans le torrent où
l’ennemi, le croyant mort, n’avait pas jugé bon de le poursuivre. Il était
simplement blessé par la chute au milieu des rochers et s’était prudemment
gardé de retourner au combat qui, d’ailleurs, tournait à sa fin au milieu des
clameurs de victoire des Basques, des plaintes des blessés et des hennissements
des chevaux que les assaillants emportaient dans leurs tribus, chargés d’armes
et de sacs de farine.
    Lorsque Geoffroy avait estimé qu’il ne restait
plus un seul combattant sur le terrain, il avait rampé jusqu’au chemin et
failli défaillir au spectacle de la tuerie : nos soldats mêlés aux
Basques, morts ou blessés. Ces derniers demandaient son secours ou
l’imploraient de mettre fin à leur agonie, ce qu’il avait consenti à faire,
malgré sa répugnance, « par charité chrétienne ». Il avait fini par
trouver un cheval blessé que les Basques avaient dédaigné et avait pu regagner
le gros de l’armée.
    — Il se peut, lui dis-je, qu’il reste des
blessés. Je me dois de les secourir. Je vais rassembler un peloton de
cavaliers, et…
    — Pardonnez-moi, sire, mais je crains que
ce ne soit un acte inutile et dangereux. Quand je suis parti, les rapaces et
les loups étaient déjà à l’œuvre. J’ai tenté de les éloigner avec mon épée,
mais ils revenaient de plus en plus nombreux. À l’heure qu’il est, il ne reste
plus un seul survivant. Le mieux est d’attendre le matin.
    Je dus convenir que Geoffroy avait raison. De
toute la nuit je ne pus fermer l’œil, incapable de m’arracher aux images qu’il
avait suscitées en s’attachant à des détails atroces : têtes brandies sur
des lances, membres coupés à coups de hache, ventres ouverts et entrailles
répandues…
    À peine le jour
levé, accompagné d’une forte escorte et de Geoffroy, je remontai la Nive. Je
m’attendais à une nouvelle attaque des Basques, mais durement éprouvés par le
combat de la veille, ils ne se montrèrent pas.
    Le spectacle était hallucinant.
Enchevêtrements de chariots renversés ou brûlés, de chevaux et de bœufs morts
ou à l’agonie, monceaux de soldats dont certains tenaient encore leurs armes,
rapaces et loups fouillant sous les broignes pour se repaître de chair fraîche,
odeur de sang et d’excréments… Certains de

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