La confession impériale
incartade il me trouverait en face de lui.
Une surprise
déconcertante m’attendait à Quierzy. Je m’y trouvai en présence d’une ambassade
conduite par l’impératrice de Byzance en personne, Irène.
J’en restai pantelant. Depuis bientôt quinze
ans, je n’avais pas eu de la part des souverains de Constantinople le moindre
signe de vie et ne souhaitais pas en recevoir, ce qui aurait pu donner lieu à
de fâcheux règlements de comptes.
Je détestais cette femme, et rien, durant le
séjour qu’elle fit à Quierzy, ne put me détromper.
Je manifestai à cette ambassade sinon une
antipathie ouverte, du moins une fraîche courtoisie, d’autant qu’elle
s’accompagnait de présents somptueux.
Quel en était le but ? Il était double.
Irène souhaitait mon arbitrage dans les relations entre la cour byzantine et le
pape Adrien, ce qui n’excluait pas une nouvelle intervention armée de ma part,
pour le cas où le conflit s’envenimerait. Elle avait envisagé d’autre part un
mariage entre ma fille, Rothrude (elle allait avoir six ans !), et son
fils Constantin.
Cette proposition avait de quoi me
flatter : elle prouvait que la cour de Constantinople ne manifestait aucun
mépris pour les « Barbares francs ». Si ce projet avait mon agrément,
il ferait de ma dynastie, alliée à Byzance, la maîtresse du monde.
J’ai toujours répugné de voir mes sœurs et mes
filles se séparer de moi pour convoler, sauf avec le Seigneur. En l’occurrence,
cette proposition était si mirifique que je cédai.
J’acceptai même que Rothrude, avant de passer
devant l’autel, apprît la langue grecque, usitée dans tout l’Empire d’Orient.
Il n’était question, pour l’heure, que de
fiançailles, plus faciles à rompre, le cas échéant, qu’un mariage dont nous
aurions à reparler en attendant que Rothrude fût nubile.
On n’en parla plus. À la suite d’obscures manœuvres
à la cour de Constantinople, le projet de fiançailles fut ajourné puis annulé,
de par la volonté de l’impératrice. Je gardai Rothrude dans ma famille, avec un
regret : renoncer à l’idée d’avoir pour gendre le souverain d’un puissant
empire.
3
Ce que j’attendais avec impatience depuis des
mois n’allait pas tarder à se produire : un affrontement avec les hordes
de Widukind, qui pourrait me rappeler, non sans quelque différence, le coup
d’arrêt du roi Charles Martel aux invasions arabes, car, en l’occurrence,
l’envahisseur, c’était moi. Pourtant, je ne faisais qu’anticiper une ruée de
Barbares, comparable aux grandes invasions, quelques siècles plus tôt, des Huns
et des Vandales.
Un nom sonne encore comme un tocsin dans ma
mémoire : Sünterbirge. Il s’attache, avec celui de Roncevaux, au
souvenir des événements les plus dramatiques de mon règne.
Au début de l’été de l’année 782, en partant
avec pour seul projet l’inspection de nos défenses, j’avais l’esprit serein et
confiant. J’avais passé quelques semaines du printemps romain à m’assurer des
bonnes intentions du peuple envers mon fils et des bonnes dispositions du jeune
roi envers ses sujets. Aucun événement grave ne sollicitait ma présence urgente
en Saxe, si bien que je n’avais pas l’esprit agité par des risques de
batailles.
Le Rhin franchi à Cologne, je dirigeai à
petites journées mon armée bien pourvue en vivres et en fourrage vers la petite
ville de Lippspringe, aux sources de la Lippe, dans la Westphalie méridionale.
J’avais prévu de tenir une assemblée comparable à celle de Paderborn, cinq ans
auparavant, en présence d’une délégation musulmane qui avait fait sensation.
J’eus la surprise, alors que je préparais ces
entretiens, de voir paraître des délégations danoise et avar, la première
envoyée par le roi Siegfried, l’autre par le khan Tudun.
Je retirai de cette visite impromptue
l’impression que ces souverains me tenaient pour un ennemi potentiel non
négligeable ou pour un arbitre dans l’éventualité d’un conflit que rien pour
l’heure ne laissait prévoir.
La première journée de cette assemblée fut
occupée par l’intronisation, suivant le rite hérité des premiers rois francs,
de quelques officiers de mon armée choisis pour leur sagesse, leur courage et
leur expérience de la guerre, auxquels je confiai l’administration et la
défense de mes conquêtes. Ils auraient à batailler contre les pillards, à
veiller au bon ordre de leur apanage et à
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