La confession impériale
« barbares » t’ont donné
une belle leçon. Je te retire ton commandement. Nous allons tenter de réparer
tes erreurs.
Je devais convenir que Thierry n’était pas
totalement responsable. Mal renseigné par nos éléments de reconnaissance,
j’avais moi-même sous-estimé l’importance de cette horde qui méritait le nom
d’armée. Ces « barbares » possédaient une cavalerie presque aussi
importante que la nôtre, moins bien armée, mais plus motivée. Nous avions eu la
chance qu’ils n’eussent pas tenté de poursuivre le combat.
L’auraient-ils fait, cette défaite partielle
se serait transformée en désastre.
L’armée ennemie
s’étant retirée sur une nouvelle position en amont, dans les derniers
brouillards du fleuve, je réunis mes officiers en conseil pour leur demander de
se préparer à livrer une vraie bataille. La plupart repoussèrent cette idée,
disant que le moral de nos troupes était trop affecté par cette défaite et que
nous risquions une mutinerie. J’entrai dans une grande colère ; ils
restèrent inflexibles.
Force me fut donc de céder. Nous avions perdu
une centaine de cavaliers. Je chargeai des équipes de secours, composées en
partie de femmes, de ramener au camp, en pataugeant dans la boue et le sang,
ceux de nos hommes qui pouvaient être sauvés, et d’achever les agonisants, de
même que les chevaux qui battaient encore des jambes.
Malgré la honte qui
s’attachait à cette décision, je jugeai prudent de renoncer à cette bataille
dont j’avais longtemps rêvé et de reconstituer mon armée. Je n’avais pas perdu
l’espoir de venger cet affront, de retrouver Widukind et de le défier. Dans mes
songes, je le capturais, l’enchaînais et le promenais sur un char à travers la
Gaule, comme au temps des Romains.
Alors que je remontais vers le nord, pour
prélever quelques hommes dans nos garnisons, j’appris d’un chef saxon rallié que
le héros national devait se trouver au Danemark, à la cour du roi Siegfried.
J’envoyai dans la capitale de ce pays une ambassade pour demander qu’on me le
livrât. Autant frapper du poing contre un mur ; mes émissaires furent
renvoyés avec des menaces de mort.
Widukind n’était pas
au Danemark mais aux portes de la Westphalie. C’est ce que j’appris d’un de mes missi, Gerbert, qui avait longtemps parcouru ces contrées. Il se proposa de
me servir de guide pour une manœuvre d’approche. Nous remontâmes la Weser en
passant au large des localités pour nous ménager un effet de surprise.
Après avoir visité quelques villages et
interrogé discrètement les habitants dont il parlait couramment la langue,
Gerbert apprit que Widukind se trouvait dans la contrée et passait de tribu en
tribu pour rassembler une nouvelle armée, les combattants qui composaient la
précédente ayant regagné leurs foyers, leur temps de service terminé.
Widukind avait installé son camp provisoire
sur un plateau dominant la Weser. Gerbert y avait effectué, seul, une
reconnaissance ; il me fournit des détails précieux, si bien que ce n’est
pas au hasard que j’y acheminai mes troupes en trois nuits seulement, la marche
de jour risquant de révéler notre présence.
Il semble que le chef saxon n’ait pas eu vent
de notre arrivée dans les parages car, lorsque je m’avançai sur le rebord d’une
falaise, je constatai que le camp n’était pas clôturé ; les hommes
s’occupaient aux travaux ordinaires, se reposaient au soleil ou péchaient dans
le fleuve.
Jugeant les conditions favorables, je disposai
mon armée autour du plateau et attendis la tombée de la nuit pour attaquer le
camp de toutes parts. Lorsque surgirent les premiers éléments de ma cavalerie,
la panique s’empara des défenseurs, la plupart, affolés, s’enfuyant dans la
forêt où ma piétaille les attendait pour les capturer ou les massacrer.
Après quelques échauffourées aussi brèves que
violentes, je ramenai à Verden, la ville la plus proche, plusieurs milliers de
prisonniers que je fis décapiter le lendemain sur la place publique. J’obligeai
les habitants à assister à ce massacre dont je ne suis pas fier, d’autant que
je n’étais pas parvenu à mettre la main sur Widukind. J’interrogeai quelques
chefs prisonniers pour savoir comment il avait pu m’échapper et où je pourrais
le trouver ; ils me répondirent par un sourire de mépris.
Je les fis encorder pour ramener en Francie
ces trophées vivants qui pourraient
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