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La couronne dans les ténèbres

La couronne dans les ténèbres

Titel: La couronne dans les ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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l’air peu engageant, casqués et armés. Leur chef s’empara de la bride du cheval de Corbett et posa une question que le clerc ne saisit pas. L’homme la répéta, cette fois en un français atroce. Corbett fit un signe affirmatif : Oui, il était bien clerc anglais, dit-il. Il était porteur d’un message de salutations à Lord Bruce de la part du chancelier d’Angleterre et désirait obtenir une audience. Un sourire révélant une rangée de dents pourries éclaira la face de loup du soldat.
    — Fort bien, répliqua-t-il en français. Si un clerc anglais veut voir Lord Bruce, cela peut facilement s’arranger.
    Glissant une main sous la cape de Corbett, il en retira habilement le poignard qu’il fixa à son solide baudrier bardé de cuir. Puis il tira presque le cheval de Corbett de l’autre côté de la place. Le reste de la troupe suivait, raillant et provoquant Ranulf qui rendait coup pour coup en lançant des chapelets d’obscénités et de jurons anglais. Ils quittèrent la place et s’engagèrent dans un dédale de rues pour déboucher devant une grande maison en pierre, à un étage, et au toit en bois dont les poutres délicatement sculptées s’avançaient en saillie au-dessus d’une petite cour. Corbett et Ranulf furent tirés sans ménagement à bas de leurs montures et contraints, avec force bourrades, de franchir l’entrée principale et de longer un couloir menant à la grand-salle.
    Corbett comprit que ce devait être la résidence de quelque marchand prospère que Lord Bruce avait soit réquisitionnée, soit louée. La propreté y régnait ; il y avait des tapis par terre, une tapisserie sur le mur du fond, des rameaux fraîchement coupés à l’agréable senteur tout autour de la pièce ; il y avait, aussi, une cheminée encastrée dans le mur. Assis au bout d’une longue table de bois poli se tenait Lord Bruce. Il mangeait un plat de lentilles et buvait, dans un hanap, de larges rasades de vin.
    Il ne leva même pas les yeux à leur entrée, mais se contenta de leur faire signe de s’asseoir sur un banc près de la table et continua à manger bruyamment. Puis son repas enfin achevé, il rota sans discrétion et essuya ses doigts graisseux et sa bouche sur le bord de sa cape bordée d’hermine. Le garde qui les avait escortés s’approcha de la chaise et, mettant genou à terre, parla à voix basse à Lord Bruce en une langue que Corbett ne put comprendre et qu’il devina être du gaélique, langue qu’il ne connaissait absolument pas. Il avait peur, car bien qu’ayant dépassé l’âge canonique de soixante-dix ans, Lord Bruce avait la réputation d’être un redoutable chef de guerre. Homme capable autant qu’ambitieux, il était passionnément dévoué à sa famille et nourrissait de grandes ambitions pour son petit-fils favori, le jeune Robert, âgé de douze ans {7} . Il ne faisait pas mystère de ce que, à la mort d’Alexandre, la famille des Bruce était la mieux placée pour briguer le trône d’Ecosse. Son allure ne faisait que renforcer sa réputation : une tête de lion, des cheveux gris acier, un regard perçant et rusé. Une face de prédateur cruel, pas un imbécile, un homme qui craignait peu les conséquences de ses actions.
    Le soldat cessa de parler. Lord Bruce lui adressa un signe d’approbation, et lui signifia de sortir. Il se tourna alors vers Corbett.
    — Ainsi donc, Messire l’Anglais, commença-t-il lentement, vous désiriez me rencontrer ? Pourquoi ?
    Il dévisagea Corbett plus attentivement.
    — Je vous ai aperçu l’autre soir, dit-il. Au banquet donné au château. Vous étiez en compagnie de cet envoyé anglais au regard froid, ce Benstede, n’est-ce pas ?
    Corbett acquiesça et ouvrit la bouche pour parler, mais Lord Bruce l’arrêta d’un geste péremptoire.
    — Je n’aime pas que l’on vienne me voir sans se faire annoncer, lança-t-il en guise d’explication. Je ne suis pas un petit chef de clan qui aurait du temps à perdre en bavardages et commérages. De plus, je n’ai aucune confiance dans les clercs anglais qui fouinent partout en posant des tas de questions comme si l’Ecosse était un simple comté anglais. Je vous pose donc à nouveau la question, Messire, qu’êtes-vous venu faire ici ?
    — Puis-je vous présenter, commença nerveusement Corbett, les compliments et les salutations amicales de mon maître, Robert Burnell, chancelier d’Angleterre et évêque de Bath et de Wells ?
    — Sottises !

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