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La couronne dans les ténèbres

La couronne dans les ténèbres

Titel: La couronne dans les ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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Le temps avait changé. L’été et sa glorieuse profusion de couleurs avait transformé la contrée qu’avait parcourue Corbett quelques semaines auparavant. Des moutons de nuages blancs filaient à présent dans le ciel bleu au-dessus des landes, des prairies vertes et piquetées de bleu, des coteaux parsemés de fleurs aux teintes et aux nuances multiples. C’était un paysage sauvage de collines abruptes dévalées par des torrents écumants, de verdoyants pâturages tailladés par de gros rochers gris acier. Le frère lai, une âme simple, connaissait les noms des fleurs, des différentes sortes de bruyère et des oiseaux qui virevoltaient et s’envolaient joyeusement au-dessus d’eux. Il apprit aussi à Ranulf une chanson, en dialecte écossais, qui évoquait les dangers encourus par une jeune fille seule, sur la lande, avec un galant. La chanson et le rire de ses compagnons étaient si entraînants que Corbett se joignit à eux. Après deux jours de voyage, ils pénétrèrent dans la vallée de Lauderdale. Le frère lai désigna, en contrebas, une tour ronde recouverte de lierre, centre d’un petit manoir fortifié, blotti sur la rive de la Lauder.
    — Voici le château de Thomas le Rimailleur, annonça-t-il. Venez. Descendons la colline.
    En approchant, Corbett s’aperçut que les fortifications d’Earlston consistaient en une tour carrée d’agréables proportions et en une palissade dont Corbett avait déjà vu maints exemples lors de ses pérégrinations en Ecosse. Le tout était entouré de douves sur lesquelles passait un pont fragile qu’ils franchirent au petit trot, le plus vite possible, pour se retrouver dans la cour poussiéreuse. Celle-ci n’était pas très grande ; on n’y voyait qu’un puits profond, des écuries, une étable et des greniers qui n’étaient guère plus que des appentis de bois et de terre battue. Un palefrenier accourut pour retenir leurs chevaux pendant qu’un autre allait tranquillement annoncer leur arrivée à Sir Thomas. Corbett mit pied à terre et fit quelques pas, notant que la tour n’était pas aussi vulnérable qu’elle l’avait paru au premier abord ; des meurtrières étroites perçaient les murs, et, sous le chemin de ronde surplombant la porte, se trouvaient des mâchicoulis par lesquels les défenseurs pouvaient jeter pierres ou huile bouillante sur d’éventuels assaillants.
    Corbett allait continuer à examiner le château lorsqu’il entendit la voix terrifiée de Ranulf :
    — Messire ! Messire ! Venez vite ! C’est Sir Thomas !
    Corbett se retourna et vit, près des chevaux, un grand personnage maigre à la chevelure blanche, vêtu d’un long surcot noir. Le clerc revint à grandes enjambées et l’homme lui fit face pour le saluer. Corbett s’arrêta, déconcerté.
    — Sir Thomas ? s’enquit-il.
    — Oui, Hugh. Je suis Sir Thomas de Learmouth.
    Corbett le dévisagea. Ses cheveux étaient blancs, comme sa peau, mais ses yeux et ses lèvres étaient d’un rose brillant ou plutôt ses yeux étaient bleus, mais les bords en étaient roses, et, chose plus étrange, dépourvus de cils. Corbett se souvint d’avoir entendu parler de l’existence de tels êtres, de ces « Albins », de ces albinos, de ces hommes tout blancs. Il s’efforça de dissimuler sa stupéfaction, mais Sir Thomas se moqua presque de lui.
    — Allons, Hugh, avouez que vous êtes surpris. La plupart des gens le sont. Je suis bizarre ? différent ?
    Il avait une voix bien timbrée, basse et agréable.
    Corbett lui rendit son sourire. Un Gallois lui avait confié, un jour, que tout être humain avait une aura, bonne ou mauvaise, à laquelle les autres étaient sensibles. S’il en était ainsi, alors, de Sir Thomas émanaient cordialité et bienveillance.
    — Qu’importe le visage ou la tête, dit-il, c’est le coeur qui compte.
    — Vous aimez la poésie, Messire Corbett ?
    — J’y prends grand plaisir quand je peux.
    — C’est bien, répliqua Sir Thomas. Nous savions que vous veniez, ajouta-t-il, sûr de son effet et riant devant la mine abasourdie de Ranulf. Pas par don prophétique, mais parce que je vous ai tout simplement aperçus du haut de la tour, dit-il en la désignant d’un geste vif. Venez ! Le repas est prêt !
    Ils pénétrèrent dans la tour sombre, au sol dallé. Il y faisait frais. Puis ils montèrent un étroit escalier à vis qui les mena à la grand-salle, pièce peu éclairée, aux murs de grosses pierres

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