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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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horreurs.
    « Et moi ? »
    Se lever. S’émouvoir de tirer son épée du fourreau. Voir ses lueurs d’argent trébucher sur les herbes, les taupinières, et rebondir sur les feuilles immobiles, certaines déjà flétries.
    Il marcha jusqu’à Malaquin et prit plaisir à le caresser, à lui parler tout en tapotant sa croupe où la poussière soudain, semblait s’évaporer sous sa paume. Puis ce fut Tachebrun et Carbonelle.
    – Voulez-vous, messire, quelques tranches de cheval ? demanda un Breton en déposant, devant lui, une hotte pleine de viandes au-dessus desquelles des mouches et des taons tournoyaient.
    – Non.
    – Devez manger, messire… Il y a un feu là-bas pour la cuisson… Des hommes ont chu en pâmoison…
    – Alors, va leur porter cette indigne pitance !
    Tristan s’allongea sur l’herbe.
Qui dort dîne, dit-il à ses compagnons.
    Il songeait à Thomas l’Alemant depuis longtemps invisible quand une ombre remua sur son visage. Il se dressa sur un coude.
    – Que me veux-tu ?
    – Prends cent hommes où tu voudras, dit Guesclin, et va occuper le pont de Cocherel. Nous allons piéter de la rive dextre de l’Eure à la rive senestre. Tu assureras le mouvement.
    L’ost passa d’une berge à l’autre, d’un pré à l’autre, d’une ombre à l’autre. Le captal, lui, ne bougeait pas de son aire. Une fois de plus, on tua le temps dans l’attente de tuer des hommes.
    – Voulez-vous que je vous révèle, moi, Bertrand, les parlures des seigneurs d’en haut ? Eh bien, les uns disent : «  Les Français vont monter  », les autres : «  Il nous faut descendre  », et le captal fait difficilement la loi. Nous allons passer la nuit et je me suis avisé comment nous ferons ensuite… Demain, nous monterons à cheval. Nous mettrons devant les varlets, palefreniers, sommiers, charrois et ferons mine de repasser cette eau en feignant de nous enfuir. Et je vous le prédis, messires : les Goddons et les Navarrais descendront par grande peur que nous nous en allions sans prendre des coups… Alors, nous nous retournerons à eux, à force de chevaux, bannières déployées. Je crois fermement que nous les déconfirons !

II
     
     
     
    Quand, au matin du jeudi 16 mai, du sommet de leur retranchement, les Anglais virent leurs adversaires endosser leur harnois de guerre et s’assembler derrière les chariots prêts, semblait-il, à se mouvoir vers Pacy ou Vernon, des hurlements retentirent dont le flot dévala dans la plaine. Des chants furent entonnés en chœur, pareils à de victorieux cantiques.
    – Ça y est, dit Guesclin. Ils croient que nous partons. Je vois les têtes de Sacquenville et de Mancion Bemborough auquel j’ai occis deux cousins en Bretagne. Ils courent jusqu’au captal et lui demandent ce qu’il va faire. Et ce grand hutin de Jouel, je le vois aussi. Il veut sans plus attendre nous courir sus !
    – Ils s’ébaudissent et s’égosillent, dit le vicomte de Beaumont. Oyez cette frainte (416)  !
    – C’est, dit Baudouin d’Annequin, le chant des archers gallois. Je suis sûr qu’ils le clameront s’ils descendent vers nous.
    Ces considérations glissèrent sur Guesclin. Il s’éloigna, fit sonner les trompes afin de réunir autour de lui la chevalerie et l’écuyerie qu’il avait décidé de garder en réserve.
    –  Vous allez voir, dit-il lorsqu’il fut ceint d’un triple rang de guerriers, ah ! oui, messires, vous allez voir nos ennemis descendre. Le captal se croirait déshonoré s’il ne nous livrait pas bataille. Ah ! Messires, messires… Il se peut que Sacquenville hésite parce qu’il sera pendu ou décollé si nous mettons la main dessus : sujet du roi, il est passé aux Navarrais… Il se peut qu’on se querelle sur la façon de nous anéantir. Tenez, que vous avais-je dit ? Ils dévalent… Avançons. Quand ils seront si proches de nous qu’ils ne pourront tourner bride sans être percés de nos sagettes et de nos carreaux, ils ne voudront et ne pourront remonter sachant bien que sans mal nous leur courrons après… Alors, nous aviserons… Mais je vous le dis tout net, vélocement : nos chevaux seront inutiles. Ce sera une mêlée d’une horribleté dont nous nous souviendrons toute notre vie. Les haches, mes bons sires, suppléeront l’épée.
    – Ce sera, dit Tristan à Paindorge et Matthieu, une bataille comme Bertrand les aime et s’en délecte. Les Goddons appellent ça bludgeon work  : un travail de boucher.

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