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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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mouvement que Luciane avait fait pour saisir sa dextre, le drap qui la couvrait s’était abaissé, montrant largement son cou et son épaule dont la nudité d’ivoire se détachait de la couleur grise de sa chemise. Il émit une sorte de soupir qui dissimulait, en fait, un contentement dont il ne savait plus s’il exprimait la jubilation de leurs retrouvailles ou le plaisir d’entrevoir juste ce qu’il fallait de cette chair pour en imaginer le reste. L’envie d’une possession durable entra dans son cœur cependant que Luciane essayait de balbutier quelques mots et souriait de ne pouvoir dire que :
    – Vous, c’était vous enfin !… Je me refusais à le croire.
    Il appuya sa bouche au creux de cette main douce, fiévreuse, odorante, et releva son front pour rassurer la jouvencelle :
    – Je n’ai pas pu m’interdire de revenir.
Je vous en sais bon gré.
    Sous les paupières doucement bleutées par des veilles inséparables de sommeils pénibles, les reflets du jour pourtant pauvre en clarté vibraient dans les prunelles lasses avec l’intensité des gemmes.
    – Votre venue dissipe mes inquiétudes. Souvente-fois j’ai cru à votre mort.
    –  Sans preuve aucune.
    – Comment aurais-je pu l’obtenir, cette preuve ? Croyez-vous que Paindorge serait venu m’apporter une si funèbre nouvelle ?
    – Oui, il serait venu.
    – C’est vous que j’attendais. Et si vous êtes de retour…
    Tristan comprit la signification des mots imprononcés. Parce qu’elle avait souffert de sa condition de chambrière chez les Anglais, parce qu’elle lui avait prouvé son aisance à manier les armes et parce qu’elle était malade, Luciane ravivait les sentiments de commisération et d’admiration dont il s’était cru délivré hors de sa présence. Cependant, la crainte de ne point vivre heureux auprès d’elle et le désir de la faire sienne étaient encore si bien confondus en lui qu’il tenait à s’accorder un délai de méditation pour éviter tout fourvoiement dont il pourrait, plus tard, se repentir.
    – Pour tout, dit-il en s’efforçant à la douceur, pour tout, il convient de se résigner à la patience.
    Souvent, sur le chemin de Gratot plus que sur aucun autre – et pour cause –, il avait cherché à se dégager des liens anciens désormais non point importuns mais inutiles. S’en était-il libéré ? Non. Il lui semblait qu’Oriabel continuait à l’aimer d’autant plus fort et d’autant mieux qu’il se détachait d’elle. Invinciblement.
    – Êtes-vous revenu pour m’épouser ?
    Luciane n’avait pas osé demander : « M’aimez-vous ? » Ores c’était tout de même étrange que cette insidieuse et abrupte question vînt d’elle. Puis il ne s’en étonna plus : elle aimait à simplifier les choses. Comme il hésitait à répondre, elle insista :
    – Êtes-vous toujours lié par serment ?
Non.
    – L’avez-vous retrouvée ?
    –  Non.
    Il s’interdit d’ajouter : « Elle est morte » par souci de voir naître sur les lèvres pâles, tiédies d’un peu de fièvre, un imperceptible sourire.
Alors, nous n’avons pas avancé d’un pouce.
    Elle avait besoin de réconfort, nullement de courage. Au moment, toutefois, où ses espérances baissaient, la Providence lui avait envoyé l’homme qu’elle souhaitait. Un homme encore indécis mais dont la présence ne pouvait que la rassurer.
    – Guérissez, lui dit-il, nous en reparlerons.
    – Vous me semblez avoir perdu toutes vos armes. Et je suis étendue, à votre merci. Craignez-vous d’attraper mon rhume ?
    C’était une invite à baiser ses lèvres. D’ailleurs, la tête blonde retombait sur l’oreiller et la petite bouche à peine rose exhalait un râle tellement doux et faux que Tristan ne put s’empêcher de rire.
Votre audace n’est point affectée par ce rhume.
    L’audace et l’ironie… Il avait pu déceler, dès leurs premiers jours d’existence commune à Paris, ensuite lors de leur chevauchée vers Gratot, les principaux traits de son caractère. L’ironie surtout. Quelquefois sincère, souvent affectée, elle procédait chez elle d’une faculté d’observation qu’il avait louée en secret. Luciane aimait à examiner fugacement ou non les êtres et les choses et à lancer fortuitement, à leur sujet, un mot juste, parfois acéré. Cette sagacité semblait la conséquence de sa captivité passée. Épier les Goddons de son entourage pour se repaître de leurs défauts

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