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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Breton sans tendance particulière – ni pour Montfort ni pour Blois – ; l’autre, Carbonnel, était un Normand de Saint-Lô ; sa blondeur témoignait de sa lignée Viking. Il parlait peu et se montrait frugal. Il ne craignait pas de cerner de regards vifs la fille de son seigneur, sans que celui-ci en parût irrité. Tiercelet lui aussi observait la jouvencelle. Moins, cependant, que Paindorge.
    « Tudieu ! songea tout à coup Tristan, ce marmouset ne manque point d’audace ! »
    Quel sentiment infusait en lui ? La jalousie ou l’inquiétude ? Cessant de mâcher la cuisse de poulet que Guillemette, d’autorité, avait placée dans son écuelle, il observa Luciane en conversa tion aisée – et même gaie – avec le brèche-dent. Cela suffit pour qu’il se sentît rassuré.
    *
    Pour obtenir des nouvelles du royaume, il suffisait de se rendre au marché de Coutances, installé chaque jeudi devant la cathédrale. Certes, un tri s’imposait dans tout ce que racontaient les marchands, les presbytériens, les échevins et jusqu’aux ferreurs de chevaux, ces indispensables aides des chevaucheurs. Tristan qui, soit seul avec Thierry, soit en compagnie de Godefroy d’Argouges et de Luciane, errait parmi les échoppes et les étals, apprit que le roi Waldemar de Danemark était arrivé en Avignon un mois avant le roi de Chypre 86 et que le vendredi 31 mars, le Pape avait prêché la Croisade. On racontait que le Saint-Père et les deux souverains s’étaient félicités d’avoir trouvé en Jean II un roi de grand mérite, aussi hardi que bellement aventureux. En suivant à Jérusalem ces trois conduiseurs illustres, les malandrins des Compagnies allaient sauver leurs âmes. «  Dans deux ans , avait affirmé le roi de France, nous serons en Terre Sainte. » Après les fêtes de Pâques, Pierre Ier et Jean II avaient quitté Avignon pour Beaucaire et Nîmes (317) .
    L’été s’annonçait chaud, accablant, lorsqu’on apprit que le roi revenait lentement à Paris. Un chevalier, Godart de Bonneval qui lui, avait quitté Vincennes, fit halte au marché de Coutances, le jeudi 1er juin, et demanda le chemin de la Roche-Tesson à Tristan qu’accompagnaient Luciane et son père.
    –  Ce chemin-ci vous y mènera, dit Ogier d’Argouges. C’est celui qui conduit à Avranches.
    –  Je me rends chez messire Guesclin. Croyez-vous que je l’y trouverai ?
Ses affaires ne sont pas miennes.
    – On le dit fiancé. Savez-vous si c’est vrai ?
    – Comment le saurais-je ?… Mais vous me paraissez assoiffé.
    – Je le suis.
    – Votre cheval est hodé.
    – Hélas !
    – Peut-il fournir une petite lieue ?
    – Je le crois.
    –  Alors, venez à Gratot. Vous pourrez vous y reposer une nuit et même plus.
    – J’accepte à grand plaisir.
    Immobile sur la sambue de sa haquenée – Hermine, en raison de sa robe blanche mouchetée de noir – Luciane restait silencieuse, et même hautaine. Cependant, lorsque le chevaucheur crut bon de dire que la fiancée de Guesclin était fort belle, selon la rumeur, elle rit :
    – Eh bien, messire, ce sera le mariage d’un crapaud et d’une étoile.
    Quoiqu’il fût d’ordinaire enclin à tout accepter de cette petite bouche rose, Tristan désapprouva ce trait. D’un clin d’œil, Ogier d’Argouges exprima, lui, son agrément, et même se mit à rire :
    – Je connais cet homme. Si vous voulez, messire Bonneval, que nous soyons amis lors de votre séjour en mes murs, abstenez-vous de m’en parler.
    Tristan ne fut point ébahi par cette recommandation. S’il détestait sans démesure ce routier devenu l’essentiel mercenaire de la Couronne, Ogier d’Argouges, lui, se courrouçait sitôt que le nom, voire le prénom du Breton était prononcé en sa présence. Cette haine qui semblait remonter à sa jeunesse prime ne s’était pas émoussée au fil des ans. Et s’il méprisait le dauphin, c’était sans doute en raison du merveillement de celui-ci pour ce hobereau sans principes. Outre qu’il avait institué Guesclin capitaine souverain, ès baillages de Caen et du Cotentin, le prince héritier l’avait « royalement » nanti d’un châtelet qui passait pour une demeure digne d’un maréchal : la Roche-Tesson, entre Saint-Lô et Avranches. Cette forteresse commandait aussi bien le cours supérieur de la Sienne que le grand chemin reliant la Bretagne à la Normandie par Saint-Lô et Bayeux. Chevalier banneret, Guesclin disposait de quatre

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