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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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coque du navire. La carène, brisée en autant d’échardes mortelles, ne pouvait retenir sa pénétration dans le cœur même de notre pauvre nef.
    Sous la violence du choc, elle gîta alors fortement par tribord avant. Au point que la lisse d’icelui côté embrassa les flots en un dernier baiser d’adieu. Seul le château du gaillard d’avant émergeait encore. Cette fois, c’en était fait du navire et de son équipage.
    Plusieurs dizaines de grappins sifflèrent avant d’accrocher la lisse de notre navire. Des monstres barbus se lancèrent aussitôt à l’abordage sur un pont terriblement incliné. Ils vociféraient :
    “Allah akbar   ! Allah akbar   !” cimeterres brandis. Ils se ruèrent sur nous, telle cette nuée de sauterelles lors des plaies d’Égypte. Mais Moïse n’était pas de notre camp.
    Déséquilibré par la gîte du navire, Foulques de Montfort glissa sur le pont et perdit son épée. Il leva la main qui tenait fermement son bouclier. Il eut juste le temps d’implorer :
    « Montfort ! Saint-Denis ! À moi les écuyers ! » avant de s’effondrer, le crâne ouvert, sa cervelle projetée à trois pas, sur mon surcot d’armes.
    Arnaud râlait faiblement, recroquevillé, à côté de lui. Une flèche plantée jusqu’à l’empennage, en pleine poitrine. Son bras dextre sanguinolait à une coudée du reste de son corps, proprement tranché. Je n’eus pas le temps de pleurer la mort de mes valeureux compains d’armes.
    Dans un cri de fureur, je huchai à gueule à bec, de toutes mes forces : « Brachet ! La Vigerie ! Montfort ! » et me jetai dans la mêlée, l’épée haute. Je décolai la tête du premier assaillant et ouvris le ventre du second, pointai mon épée sur le troisième…
    C’est alors que je reçus un violent coup sur le crâne. Mes jambes se dérobèrent sous moi. Je chus à genoux. Mes yeux se fermèrent, puis s’entrouvrirent un trop court instant.
     
    Le temps de voir s’abattre sur ma tête les lames bleues de plusieurs cimeterres.
     
    Adieu m’amie   ! Te connaîtrais-je un jour dans un autre monde   ?

Messire Godefroi, sire, acceptez de coiffer la croix en or et la couronne de lauriers que vos comtes et barons vous supplient de porter.
    Non, messires, Jérusalem ne connaît qu’un seul roi   : il porte une Croix de bois et une Couronne d’épines. Celles de son supplice.
     
    Godefroi de Bouillon, avoué du Saint-Sépulcre, en juillet de l’an de grâce MLILIX, soit en 1099, après la prise de Jérusalem par les Croisés de la vraie Foi
     
     
     
     
    Chapitre 10
    Entre Tyr et Chypre, à quelques jours des calendes de janvier, l’an de grâce MCCCLVII {xiii} .
     
    Des mains puissantes m’étranglaient, clouaient mes épaules, tentaient de m’immobiliser pour m’immoler. Dans un dernier sursaut, dans un ultime geste de survie, je me dressai séant.
    « Les barbaresques ! Les barbaresques ! Sauve qui peut ! Perfavore  ! »
    J’écarquillai les yeux : des visages grimaçants étaient penchés sur moi. Je les fixai, hagard, avant de réaliser que ces faces monstrueuses n’étaient autres que celles des mestres dont je partageais le réduit. Penchés sur moi, je respirai l’odeur fétide de leur haleine chargée et de leurs rôts aux relents d’ail rance.
    Que la vie était belle !
    Arnaud n’était pas céans. Je réalisai qu’il avait fui l’attaque de la trirème, dans la cale, sous le pont. Peut-être était-il en train de manger des figues sèches entre deux poules, trois brebis et un mouton. Ou de gober un œuf ? S’il avait été là, il se serait moqué de moi.
    Je regardai alentour : point de pirate, point de cimeterre, point de voie d’eau. Quelques gueules burinées et compatissantes me souriaient d’un air penaud. J’avais du mal à en croire mes yeux. Je me sentis tout chaffouré. Un rire sonore me conduisit à espincher : le mestre de manœuvre se tenait les côtes, riant à force boyaux. Les autres mestres l’imitèrent.
    Vexé, je tentai de me lever lorsque je ressentis un violent mal au crâne qui me vrillait le cerveau. Je brassais l’air de mes bras, suscitant une hilarité générale : dans mon sommeil, j’avais chu sur le plancher.
    Pour faire bon cœur contre mauvaise fortune, je ricanai plus haut et plus fort que mes compains d’infortune. Je donnai à plusieurs d’entre eux une bourrade virile. Des bras puissants m’accolèrent et je craignis soudain d’être victime de quelques

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