La danse du loup
poisons, le Mal noir… la pestilence !
« Mais ce sont peut-être aussi les reliques les plus sacrées que nous ayons de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Je ne sais. Je vous confie le tout. Prenez, prenez vite, messire Bertrand ! Et mettez-les en lieu sûr…
« … Ayez grande vigilance, messire Bertrand. Le diable rôde autour de nous. Je le sens. Soyez béni, mon fils. »
Dans un dernier effort, le père d’Aigrefeuille fit le signe de la Croix sur mon front, puis sa main retomba. Je lui secouai stupidement la tête :
« Père ! Père d’Aigrefeuille, ne partez pas. Tenez bon ! Les secours arrivent ! »
Un dernier spasme d’agonie secoua son corps, fit gicler un flot de sang. Les traits de son visage s’étaient relâchés. Un sourire de béatitude illuminait son visage.
Le père Louis-Jean d’Aigrefeuille avait atteint, dans la mort, la sublime beauté d’une âme en paix. Ses yeux me fixaient Grands ouverts. Je les fermai. Mes larmes se mêlèrent à son sang.
Je défis avec difficulté la courroie qui reliait la boîte à messages à sa ceinture. La boîte portait des traces de sang. La clef en forme de croix papale était engagée dans le fermoir du couvercle, et le couvercle entrouvert. La boîte du messager pontifical ne renfermait plus qu’un rouleau de parchemin et… deux fioles.
Je me saisissais de l’ensemble lorsque j’entendis des bruits de pas marteler les dalles de la cathédrale. Arnaud accourait. Il se précipita vers moi, m’aida à extraire la partie du corps qui se trouvait encore dans le confessionnal et à l’étendre avec moult précautions sur le sol.
« Mon Dieu ! Qu’as-tu fait ? Que s’est-il passé, Bertrand ?
Le père d’Aigrefeuille a été occis pendant qu’il entendait quelqu’un en confession. C’est tout ce que je peux te dire.
— T’a-t-il parlé avant de mourir ? Que t’a-t-il dit ? Parle !
— Il a eu juste le temps de me confier sa boîte à messages.
En me recommandant d’en prendre grand soin. C’est tout. Ses lèvres s’agitaient mais plus aucun son n’en sortait. Puis il a rendu son dernier soupir », lui mentis-je.
Ne t’a-t-il pas parlé d’icelui ou d’icelle qui l’aurait poignardé ? L’a-t-il vu ? L’a-t-il reconnu ? Tu n’aurais pas… unis ce crime, dis-moi ?
Comment veux-tu qu’il ait pu reconnaître son meurtrier ? À supposer même qu’il l’ait connu, il ne pouvait voir son visage à travers le moucharabieh qui sépare le pénitent de son confesseur. Et cesse de me soupçonner, je te prie ! Tu es fol, mon pauvre ami ! Je tenais le père d’Aigrefeuille en grande estime. »
Un sacristain se précipita en beuglant, lorsqu’il nous vit : « Mon Dieu ! mon Dieu ! » Il enfilait une aube à la hâte. Alerté par ces bruits, le chevalier de Montfort accourut, l’épée à moitié desforée. Il devait nous avoir attendus sur le parvis de la cathédrale.
La justice avait besoin d’un coupable. Le sacristain fut arrêté incontinent par les gardes qu’Arnaud avait alertés. La justice ecclésiastique requérait un coupable. Son bras était roide. Le malheureux fut soumis à la question avant notre départ. Il s’était penché, comme moi, sur le corps du défunt. Son aube était couverte de sang. Comme mon pourpoint qui en était maculé Mais mon vêtement n’était point blanc. Il était rouge. Teinté de rouge depuis sa confection. D’un rouge couleur de sang…
Adossé au bastingage du château de proue de la Santa Rosa, je réalisai que le père d’Aigrefeuille avait été lâchement et mortellement poignardé en un lieu de prière. Un lieu sacré entre tous. Comme le comte Philippe de Montfort l’avait été en la cathédrale de Tyr, au siècle dernier. Comme le chevalier Gilles de Sainte-Croix, plus récemment, en la chapelle de la maison forte de l’Ordre de l’Hôpital à Cénac.
Pourquoi avoir attenté à leur vie ? Pour quelles raisons ? Troublantes coïncidences. Étranges faits dus au hasard ? Qui pouvait avoir eu intérêt à faire passer le père d’Aigrefeuille de vie à trépas ? Un sacristain ? Un serviteur qui avait eu la malchance de déambuler là où il n’aurait pas fallu ?
Pour faire main basse sur une lettre qui ne serait changée qu’en la cité papale d’Avignon par le trésorier général de la Cour pontificale, et probablement après bien des litanies ? Pour se saisir d’une fiole dont nous étions seuls, le
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