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La Dernière Bagnarde

La Dernière Bagnarde

Titel: La Dernière Bagnarde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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rer
avant d'aller plus loin, pour
ne pas risquer d'être empoisonnée, espérant alors
qu'une qua n tité
infime serait douloureuse mais pas mortelle. Elle avait forcé
la chance et survivait m i nute
après minute, heure après heure, jour après
jour. Aucune pensée d'aucun ordre ne venait troubler l'extrême
attention qu'elle portait à tout ce qu'elle faisait. La très
longue habitude de m é fiance
qu'elle avait eue dès l'enfance, sa pratique sol i taire
des bois, de la faune, de la nature et de la nuit avaient développé
chez elle une m a turité
hors normes qui, dans un cas comme celui oh elle se trouvait plongée,
lui fournissait des armes, fragiles certes, mais parfait e ment
adaptées.
    Ce
qui n'était pas le cas de Romain. De la forêt il ne
co n naissait
que les sous-bois dégagés où il allait parfois
pique-niquer avec les cousins, d u rant
les grandes vacances, à l'ombre paisible des chênes.
Quant à la
nuit, il n'en co n naissait
que les soirées de fête avec les copains, et les
souvenirs de l'enfant qu'il avait été et
qui s'endormait dans son lit be r cé
par les images idy l liquement
dangereuses des récits d'aventures qui l'avaient
fait frémir. Il n'avait jamais été dévoré
par aucune fourmi, ni été piqué par aucun
serpent Une fois par une guêpe, et sa mère et sa
grand-mère, affolées, étaient immédiatement
accourues à ses hurl e ments.
On l'avait frictionné, guéri, choyé. La nuit
pour Romain était aussi celle de Gérard de Nerval,
li t téraire,
romantique, tourmentée et irréelle.
    Conscient
de ses manques, il pensait pouvoir affronter les dangers avec la part
de bon sens et d'intell i gence
qui lui avait été transmise et qui était ses
princ i pales
qualités. Il était aussi convaincu de retrouver Marie
très vite, sûr qu'une femme seule dans cette jungle
n'avait pu aller bien loin. Elle ne devait pas s'être enfoncée
de plus d'une ce n taine
de mètres et elle d e vait
être quelque part, à attendre en lisière. Il lui
suffirait de longer la forêt dans un sens et puis dans l'autre,
et il la trouverait. Elle pouvait avoir su r vécu,
avec l'eau et les fruits. Mais il ne fallait plus perdre une minute.
Il croisa dans les escaliers de l'hôp i tal
un de ses collègues qu'il se contenta de saluer d'un geste de
la main sans s'arrêter comme il le faisait toujours. Celui-ci
s'éto n na
de le voir sans son inséparable serviette de cuir noir.
    — Oh,
Romain ! cria-t-il en mettant ses mains en porte-voix. Ta serviette !
Tu as oublié ta se r viette
!
    Romain
se retourna et répondit quelque chose que l'autre n'entendit
pas. Il était trop loin, parti en direction de la forêt
derrière le bar du Ch i nois,
là où la mère supérieure disait avoir vu
disparaître Marie.
    La
mère supérieure quitta l'hôpital quelques m i nutes
à peine après Romain. La fièvre étant
tombée, elle avait cherché à le voir pour lui
dire qu'elle voulait rentrer au carbet. Mais il n'était nulle
part. Le m é decin-chef
était occupé par une opér a tion
urgente et personne n'avait pu la re n seigner.
    — Vous
lui direz que tout va bien, que je rentre au carbet, dit-elle à
l'infirmier qu'elle croisa dans le co u loir.
    — Bien,
répondit celui-ci sans s'émouvoir. Je transmettrai le
me s sage.

34
    La
toute première vision que la Mère supérieure eut
en arrivant au carbet fut la silhouette d'un homme d e bout,
devant la palissade. Il était en conversation avec un autre,
négligemment assis au sol, dos à la
p a lissade
juste à côté de l'entrée.
    Elle
s'arrêta net, son estomac se noua. Cet homme debout, elle le
reconnaissait. Le Chacal ! Dire tout ce qui lui passa par la tête
à ce moment précis est impossible. Elle-même en
eut été incapable. Dans son esprit régnait un
véritable chaos et une seule chose claire en éme r geait
: un drame s'était produit. Et elle fut immédiatement
convai n cue
du pire.
    Où
était le chef de dépôt et que disait le Chacal
ici au vu et au su de tous ? Comment avait-il osé s'approcher
ainsi du ca r bet
des femmes où la présence des bagnards était
proscrite, formellement interdite ? Qu'avait-il fait subir aux
dét e nues
qui étaient seules et sans défense ? Et qu'allait-il
lui faire ? Il faisait jour et il n'oserait sans doute rien. Pourtant
c'est avec une grande appréhension qu'elle s'avança
vers lui. Au fur et à mesure qu'elle approchait, elle
s'aperçut qu'un silence anormal régnait autour du
carbet. On n entendait que les

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