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La Dernière Bagnarde

La Dernière Bagnarde

Titel: La Dernière Bagnarde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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liquider d'une
minute à l'autre si ça leur prenait.
    — On
a même pensé que vous étiez morte.
    — Heureusement,
ma mère, vous êtes revenue !
    — On
n'y croyait plus!
    Soulagées,
elles parlaient et laissaient éclater leur joie, pleuraient,
riaient, et regardaient la mère supérieure avec des
yeux pleins de r e connaissance.
Elle, elle n'en revenait pas. C'était la première fois
qu'elle recevait un tel élan d'amour. Jamais pe r sonne,
hormis Charles, ne lui avait manifesté ne serait-ce que la
moindre tendresse. Ce qu'elle éprouva alors en cet instant la
bouleversa au plus profond de son être, et ses dernières
retenues tombèrent d'un coup. Elle qui ne s'était
j a mais
vraiment attardée sur aucune de ces femmes, elle les regardait
les unes après les autres comme pour bien s'imprégner
de leurs visages et de la certitude qu'il ne leur était rien
arrivé de mal. Elle s'en sentait responsable comme jamais elle
n'aurait cru qu'elle pourrait l'être de personne. Des larmes
sile n cieuses
coulèrent le long de ses joues et elle ne chercha pas à
les arrêter. Elle s'était im a ginée
trouver un champ de mines et de mort et elle s'abandonna au
so u lagement
de les retrouver vivantes. Jamais autant qu'en cet instant elle ne se
sentit la « Mère » dont elles avaient tant espéré
le retour. Et elle réalisa à quel point elles lui
avaient manqué.
    — Ça
y est ! Ils sont partis.
    Confortée
par la présence de la mère supérieure, une
dét e nue
avait osé jeter un œil à l'extérieur et
elle revenait annoncer la bonne no u velle
: le Chacal et ses bagnards s'en étaient allés comme
ils étaient venus. S i lencieux.
    La
mère supérieure eut alors une pensée pour cet
homme qui avait protégé ses détenues, lui qui
avait tué Louise froidement et sans ra i son.
Décidément, plus rien ne semblait devoir se raccr o cher
ici à un ordre normal, et elle ressentit la violence de cet
état instable et sans repères avec lequel elle allait
d é sormais
devoir vivre, jour et nuit.

35
    Marie
était dans la jungle depuis une semaine. Cela faisait trois
jours qu'à cause de la tension, de l'immense fatigue et des
piqûres d i verses
d'insectes elle ne dormait plus, et elle tenait par on ne sait quel
miracle. Elle était courageuse et vaillante. Comme ces paysans
qui ont appris à ne pas céder quand la nature résiste.
Elle était endurcie et avait acquis à leur contact une
longue pratique de l'obstination. Elle marchait ainsi depuis des
jours sans jamais se laisser aller à la moindre faiblesse
quand, à travers ce feuillage épais et difficile, elle
se retrouva soudain face à un espace o u vert
    — L'allée
des bambous !
    Marie
en aurait sauté de joie si elle en avait eu la force. Un
miracle ! Elle reconnut immédiatement l'endroit qui l'avait
tant fait rêver et elle écarta fébrilement les
dernières branches qui l'en séparaient Quand elle fut
sous la voûte des bambous et qu'elle put les to u cher,
elle tomba à genoux, épuisée.
    — C 'est
l'allée ! répétait-elle. L'allée des
bambous ! Et les rails !
    Elle
les toucha pour bien vérifier qu'elle ne rêvait pas.
Oui, c'était bien l'allée merveilleuse qu'elle avait
découverte au cours des prom e nades
du dimanche et qui conduisait ailleurs, vers une autre ville. Elle
était donc sauvée ! Il lui suffirait de suivre ces
rails et d'aller vers la lumière. Jusqu'au bout. Enfin, elle
a l lait
revoir le ciel et la clarté du jour que les masses des cimes
d'arbres lui cachaient depuis des jours. Pleine d'espoir, elle se
releva et se mit en route sans attendre. L'épu i sement,
les douleurs, le sentiment d'être ensevelie vivante dans un
tombeau de verdure qui n'en finissait jamais, elle ne sentait plus
rien. Mais maintenant elle avait un chemin à suivre. P o sant
ses pieds l'un derrière l'autre, elle avançait
tremblante de joie entre les rails, guidée par eux après
tant de marche sol i taire
à aller au hasard et à se frayer des
passages. Ces rails étaient miraculeux. Et elle se mit à
leur parler comme elle a u rait
parlé à un compagnon de route.
    — Cette
fois c'est la bonne. Vous allez me conduire, on va y aller ensemble.
On est sauvés !
    Elle
marcha comme ça, pendant plus de deux heures, portée
par un espoir immense. Tout allait parfaitement bien. Soudain elle
s'arrêta net. Une pensée venait de lui traverser
l'esprit. D e vant
elle, minuscule tache au loin, le halo de lumière brillait.
Elle vit volte-face et regarda dans

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