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La Dernière Bagnarde

La Dernière Bagnarde

Titel: La Dernière Bagnarde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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bagnards.
Alors... vo i là.
    — Que
dois-je faire pour que cesse cet ignoble marché ? questionna
Romain en regardant le carnet de dessins. Je vo u lais
voir le directeur, l'obliger à prendre une décision.
C'est pour ça que j'étais dans son b u reau.
Mais comme je vous l'ai dit, il n'était pas là. Alors ?
Que faire maint e nant
?
    — Diable
! Si j'avais la réponse je vous la donnerais sans hésiter.
Et si je vous avouais qu'il m'arrive d'être décour a gé...
quoi qu'on fasse, le vice et le mal suivent leur cours. On dirait
qu'ici rien ne leur résiste.
    Il
ne put en dire davantage. Un infirmier accourait, paniqué. Un
jeune bagnard venait d'être éventré par un coup
de couteau lors d'une dispute. Ses viscères sortaient et il
saignait comme un goret, au dire de l'infirmier. II souffrait le
martyre et il fa l lait
tenter de le recoudre de toute u r gence.
    Oubliant
à la seconde même et ses cahiers et sa conversation, le
médecin-chef disparut avec l'i n firmier.
Et Romain se retrouva seul, sans réponse à ses
questions. Comme toujours dans cet hôpital où les
médecins ne faisaient que se croiser et n'avaient le temps que
d'écha n ger
trois mots à la volée, Romain n'avait jamais pu parler
avec son médecin-chef autant que cette fois. C'était
une chance. Il la devait à son ulcère. Un malade pour
son chef, ça n'attend pas. Il repensa à cette
conversation : « L'essentiel, c'est d'agir », avait-il
dit. Il avait ra i son.
Et pour agir ici, il fallait décider seul. Romain décida
donc de prendre les choses en main. Il devait savoir ce qu'étaient
réellement devenues les femmes qu'on avait mariées à des
bagnards. L'idéal était de r e cueillir
un témoignage. Marie ! Il fallait pa r tir à sa
recherche.
    — Si
elle est encore vivante, dit-il comme pour lui-même.
    Il
courut à sa
chambre rassembler quelques affaires, h les enfourna dans un sac à dos
et griffonna un mot à l'attention
du médecin-chef :
    Je
pars à la recherche de la bagnarde dont je vous ai parlé.
Si je n'y vais pas, personne ne le fera. Quand je l'aurais retrouvée, nous écr i rons
son histoire, nous l'enverrons au docteur May eux
et tout le monde saura. Nous ne pouvons aba n donner
ces femmes à leur sort. Je pense en avoir pour un ou deux
jours.
    Marie
ne doit pas être bien loin, je reviens vite. Merci des mots
e n courageants
que vous m'avez dits. Vous avez raison : il faut agir !

    Puis
il quitta l'hôpital.

33

    La
jungle est un animal qui ne se rassasie jamais. Des bouches s'y
ouvrent et y dévorent en permanence. Les plantes, les
insectes, les animaux, tout mastique et tout meurt, déch i queté.
Tout s'entre-tue et se désagrège sur place. Tout renaît
auss i tôt.
Le cycle de vie et de mort n'est jamais aussi palpable que là,
aussi proche.
    Marie
marchait sur un tapis de pourritures végétales et
animales, mêlées depuis un temps qu'elle ne pouvait
définir. Le jour, la nuit, les orages, la chaleur torride, les
vapeurs suff o cantes,
tout succédait à tout sans qu'elle en voie ni le début
ni la fin. Ses poumons et ses narines débordaient de ces
odeurs atroces de décompositions auxquelles elle ne
s'habituait to u jours
pas. Elle avançait avec une prudence extrême, un pas
après l'autre, faisant à peine quelques centaines de
mètres par jour. Face à l'immensité de la
pieuvre verte n'a t tendant
qu'un faux pas pour l'engloutir, elle faisait preuve d'un calme
i m pressionnant,
et d'une maîtrise instinctive stupéfiante. Imme r gée
dans la végétation, elle en percevait le moindre
frémissement. Elle avait échappé aux grosses
fourmis rouges en les laissant mettre sa robe en lambeaux et passer
sur son corps sans bouger, elle avait tué le serpent, elle
avait accepté les p i qûres
d'insectes inconnus sans broncher et s'en était tirée
avec des boursouflures qu'elle parvenait à ne
pas gratter. Elle inve n tait
sa survie au fur et à mesure et, jusqu'ici, la mort l'avait
épargnée. Sa volonté de vivre guidait le moindre
de ses actes jusqu'à ses mouvements. Elle b u vait
l'eau qui ruisselait sur les feuilles, avalait des fruits qui
poussaient par centaines, et frottait les plaies de ses joues avec
des citrons. L'ac i dité
brûlait, elle cicatriserait les piqûres. Prudente, elle
savait qu'il fa l lait
éviter de se blesser davantage en allant trop vite. Elle
mesurait ses gestes et goûtait les fruits inconnus par
minuscules bo u chées.
Puis elle attendait des heures, patiemment, de les dig é

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