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La Dernière Bagnarde

La Dernière Bagnarde

Titel: La Dernière Bagnarde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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voulais qu'on lui explique ? Que le mouflet
qu'on était en train d'e n terrer
était tombé du ciel !
    — Non,
mais...
    — Ils
sauront vite que c'est celui de la femme qu'on a mise au tu r bin
au camp pour les orpailleurs de pa s sage.
    — On
aurait pu dire qu'il était mort à la nai s sance.
    — Tu
parles ! Le moindre idiot aurait pu voir que nous l'avions étouffé,
t'as tellement serré le cou qu'il était violet On peut
tout faire ici, à une condition, ne pas obliger les autorités
à voir et du coup à sanctionner.
    Ce
jeune toubib il aurait fait un sacré raffut I
    — Alors...
on fait quoi avec lui ?
    — On
le laisse là, près des rails. Le prochain convoi le
tro u vera.
Il ne faut pas que son corps disparaisse, ce serait pire. Si on le
laisse là ils penseront qu'il lui est arrivé quelque
chose, mais ils ne penseront pas oblig a toirement
à nous.
    — Tu
crois ? insista l'autre, pas convaincu.
    — Mais
oui, je te dis ! II faut qu'ils aient son corps sinon on n'a pas fini
d'en entendre parler ! Ils vont nous envoyer en patrouille à sa
r e cherche.
T'as envie de te farcir des heures en forêt à patauger
dans cette merde, toi ? Et puis c'est là qu'ils a u ront
le temps de cogiter et qu'ils penseront à nous. On sera des
coupables tous désignés et on leur se r vira
à régler le problème.
    — Tu
as peut-être raison. Mais... vérifie qu'il est bien
mort. Fa u drait
pas qu'il se réveille.
    — T'inquiète
pas, avec le coup de barre que je lui ai mis, il ne risque pas de
s'en remettre. Au prochain passage ils auront un ma c chabée
bouffé par les fourmis. Impossible de savoir ce qui lui sera
a r rivé.
    Trempée
et grelottante, Marie écoutait leur conversation. Elle ne
pouvait pas voir leurs visages, à moins de bouger et de se
taire repérer. Risque qu'elle n'aurait pris pour rien au
monde, d'autant que le rideau de pluie était si serré
qu'il l'a u rait
gênée. De toute façon, elle n'avait pas besoin de
voir le visage de ces hommes. Elle savait déjà qui ils
étaient.
    — Qu'est-ce
qu'il fichait là, ce toubib ? reprit le premier tout en t i rant
le corps dans la boue.
    — Il
cherchait la femme de Charlie, celle qui s'est carapatée du
bar du Chinois. C'est Kéké l'infirmier qui me l'a dit
ce matin. Ce toubib s'est t i ré
de l'hôpital pour ça. Un chevalier blanc, ce con. Et
vois où il finit. Qu'est-ce qu'il croyait ce minable ? Qu'il
allait blanchir tout ça ? Il avait pas la carrure. Allez,
viens vite, on file, sinon à la Tentiaire ils vont se demander
ce qu'on fout.
    Ils
s'installèrent, l'un devant, l'autre derrière, et ils
se mirent à courir en poussant l'étonnant chariot sur
les rails en direction de Saint-Laurent. Les coups sourds que
faisaient les pas de leur course sur le sol boueux et le roulement du
chariot qui frottait et éclaboussait sur les rails ruisselants
s'éloignèrent Ils disparurent. Marie avait fermé
les yeux Elle se souvenait maintenant Ce roulement ces coups sourds, c 'était ceux qu'elle
entendait la nuit quand elle essayait de distinguer l'origine des
sons extérieurs depuis le ca r bet.
Elle s'était interrogée sur ce bruit particulier et
maintenant elle avait la réponse. Il n'y avait pas de train,
pas de locomotive, c 'était
tout simplement des bagnards qui comme des bêtes de somme
poussaient une ca r riole
sur les rails. Voilà pourquoi elle n'avait pas trouvé.
Comment aurait-elle pu imaginer que des êtres humains jouaient
le rôle de locomotive ? D'ailleurs, d'où v e naient-ils
? De la ville à laquelle elle avait pensé ? Celle où
elle vo u lait
aller ? Elle rouvrit les yeux.
    Elle
pouvait voir le corps du jeune médecin mais elle n'osait pas
bouger, pétrifiée. Il la che r chait,
pourquoi ? Et ce bébé ? Et la femme dont ils avaient
parlé, qui était-ce ? Anne, Rose ? Une autre ? Les
heures pa s saient,
Marie ne bougeait toujours pas. La pluie avait cessé et la
nuit était totale. Elle ne discernait que la masse du corps du
m é decin
couché à quelques mètres d'elle. Et elle ne put
voir qu'il ouvrait les yeux.
    Romain
se demandait où il était Sa tête lui faisait
affreus e ment
mal et il avait un goût acre de sang dans la bouche. Il e s saya
de bouger la main mais elle ne lui r é pondait
pas. II essaya l'autre, puis une jambe, puis l'autre. Plus rien ne
répo n dait.
II n'osait comprendre. Les idées les plus folles se
bousculaient dans sa tête. Il était paralysé et
seul. Il allait crever là. Horrifié, il essaya

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