La fabuleuse découverte de le tombe de Toutankhamon
de ses opinions. Abdul vivait dans la crainte perpétuelle d’être assassiné. Il était persuadé que lord Carnarvon avait demandé un entretien dans le but de le tuer et il avait refusé de voir ce desperado. Ceux qui aiment l’histoire aiment à rencontrer en chair et en os ceux qui la font, pour le bien comme pour le mal. C’est pourquoi Carnarvon fut vraiment désappointé de ne pouvoir rencontrer l’un des personnages à la fois les plus capables et les plus sinistres de son époque. Mais l’idée qu’on puisse considérer son père comme un meurtrier potentiel était trop risible pour ne pas l’emporter sur la vexation, et c’est le plus souvent en riant qu’il évoquait cette anecdote.
Plus tard, lorsqu’il vécut en leur compagnie, le « lord », ou « lordy », comme l’appelaient les Égyptiens, parvint à établir d’excellents contacts avec les Orientaux de toutes classes, du pacha au fellah – meilleurs, peut-être, qu’aucun autre Occidental. Il possédait, en fait, un charme indéniable qui, lorsqu’il choisissait de l’exercer, lui valait la confiance des hommes et des femmes du monde entier. L’exemple suivant illustrera le mélange de sagacité et de légèreté qui composait son caractère.
En chemin pour la Californie, il s’arrêta à New York, ayant promis à un ami d’essayer d’obtenir des informations concernant une certaine entreprise commerciale. La manière dont il recueillit ces informations fut pour le moins originale. C’est, en effet, auprès de son coiffeur qu’il s’enquit de l’identité de la personne qu’il lui fallait voir. Le coiffeur ayant, miraculeusement, pu le renseigner, lord Carnarvon envoya un mot au financier en question pour obtenir un entretien. Il fut reçu par un authentique capitaine de l’industrie, aux yeux perçants, à la bouche dure, qui dut admirer la candeur de cet étrange Anglais arrivant dans son bureau pour lui demander des conseils. Le magnat écouta courtoisement sa requête et lui conseilla sans ambages de ne pas acheter. Carnarvon le remercia et se rendit droit à la poste pour télégraphier d’acheter sur-le-champ. Puis, il se rendit en Californie pour se livrer aux plaisirs de la pêche au tarpon. Quand il revint, six semaines plus tard, à New York, les actions avaient considérablement monté, à la grande joie de son ami londonien. Carnarvon demanda alors un autre entretien avec le financier, qui le reçut de nouveau fort civilement. Cette fois, Carnarvon lui expliqua qu’il ne voulait pas quitter l’Amérique sans le remercier de ses conseils, qui s’étaient révélés si profitables qu’ils lui avaient permis de payer les frais de ce coûteux voyage. « Mais, lord Carnarvon, s’exclama alors le magnat, je vous ai conseillé de ne pas acheter ! – Oh ! oui, je sais. Mais, naturellement, j’ai bien vu que vous vouliez que je comprenne le contraire. » Il y eut un moment de silence, puis le financier éclata de rire, tendit la main et dit : « Considérez que ma maison est la vôtre à votre prochain voyage aux États-Unis. » « Et ce capitaine d’industrie était la personne la plus intéressante que vous ayez rencontrée là-bas ? demanda son auditeur. – Ô Dieu, non ! répondit Carnarvon, l’homme le plus intéressant que j’aie rencontré, et de loin, c’était le garde-frein dans le train, en Californie. »
En 1894, lord Carnarvon affréta le yacht à vapeur Catarina et, en compagnie de son ami le prince Victor Duleep Singh, repartit pour l’Amérique du Sud. À son retour, pendant l’été 1895, à l’âge de vingt-neuf ans il épousa Miss Almina Wombwell. Le mariage fut célébré à St. Margaret’s, Westminster. Le déjeuner eut lieu à Lansdowne House. Tout fut somptueux. La jeune mariée aurait pu poser comme modèle pour Greuze, et la singulière distinction du jeune époux était loin de déparer la cérémonie. On l’avait persuadé de porter un habit pour l’occasion. Mais lorsqu’ils arrivèrent à Highclere, sous les acclamations de toute la maisonnée, alors que la jeune mariée portait une robe de gaze rose étoilée d’émeraudes et de diamants, lord Carnarvon s’empressa de remettre son vieux chapeau de paille et sa veste de serge bleue favorite, que la vieille gouvernante avait reprisée le matin même, à sa grande réprobation.
Pendant les huit ou dix années suivantes, le couple vécut l’existence normale de jeunes gens auxquels la fortune n’a
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