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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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pieds, monté sur quelque pesant destrier au poitrail de fer, à la tête d’un escadron, il est le chevalier des ruées furieuses, des grandes chevauchées à travers du sang… Guise, à la cour, est encore le gentilhomme le plus élégant ; le nœud de satin de son épée est inimitable ; il porte avec une grâce incomparable le manteau de velours cramoisi ; il a une majesté naturelle qui fait de lui la véritable figuration de la royauté… oui, ce sera dans la cérémonie un sire magnifique, et dans les combats un chef intrépide…
    En parlant ainsi, Fausta, les yeux à demi fermés, semblait évoquer l’image qu’elle bâtissait… ou peut-être une autre image qui venait s’offrir en comparaison. Elle reprit avec un soupir :
    — Mais une fois le casque et la cuirasse déposés, hors le champ de bataille ou le champ de cérémonies élégantes, j’aperçois dans Guise ce qu’il est en réalité : une belle statue qui parfois a un geste violent, qui jette un regard étincelant, mais qui n’est capable ni de haute pensée, ni de ferme résolution… Oui, il a pardonné à la duchesse de Guise, et ceci m’a déroutée, moi qui croyais… mais n’en parlons plus ! Il a laissé sortir de Paris trois mille hommes que ce Crillon a conduit à Henri de Valois, et ceci, c’est la guerre possible pour le roi fugitif… Il a parlé à Catherine de Médicis, et quelques mots de la vieille Florentine ont suffi pour faire écrouler l’échafaudage de résolutions que j’avais lentement élevé dans ce faible cerveau !… Enfin, pour comble, dénué d’argent, une occasion unique s’offre à lui de saisir le trésor qui lui permettra de conquérir le royaume ; renseignée par mes espions, je le lui indique. Il n’a qu’à le prendre… et au moulin de la butte Saint-Roch, il se fait jouer comme un enfant ! Il met sur pied une véritable armée pour entrer dans un moulin où il ne trouve personne, et quand on cherche, quand on fouille, le trésor est envolé…
    Fausta ferma tout à fait les yeux. Son sein se souleva. Et très bas, si bas que Claudine ne l’entendit pas, elle murmura :
    — Il est vrai que sur la place de Grève et à la butte Saint-Roch, Guise a eu affaire à forte partie… Pourquoi le duc de Guise n’a-t-il pas l’âme d’un Pardaillan ?… Avec un pareil levier, je soulèverais le monde…
    Alors, comme si le secret qu’elle portait au cœur l’eût étouffée, elle reprit d’une voix qui tremblait presque.
    — Ce n’est pas le corps qui doit être couvert d’acier dans les batailles, c’est l’âme. Le véritable chevalier des héroïques entreprises, ce n’est pas un Guise à l’armure étincelante ou au pourpoint de satin… je l’ai vu, le vrai chevalier, je le vois, celui qui pourrait monter à l’assaut du trône… Son buffle est un peu râpé, ses vêtements sont fatigués, sa rapière est longue et large, son visage est maigre et sa parole sans emphase ; il y a un étrange sourire dans son regard et sa forte simplicité m’étonne et m’émeut… Qui est-il ?… Oh ! que ne donnerais-je pas pour le mieux connaître, pour pénétrer sa vie, comprendre sa pensée… être enfin…
    La Fausta s’arrêta soudain. Son visage pâlit et les ongles de ses mains s’incrustèrent dans les paumes, en l’effort qu’elle fit pour dompter son émotion. Mais Claudine avait vu, entendu… et elle avait deviné…
    — Folie ! murmura Fausta. Je n’ai pas de cœur. Je ne veux pas avoir de cœur…
    — Pourquoi, ma souveraine ? s’écria Claudine palpitante. Pourquoi ne pas descendre du nuage flamboyant qui vous porte, et vous rapprocher de l’humanité ?… Reine toute-puissante, pourquoi ne seriez-vous pas femme ?…
    — Parce que, dit la Fausta, en reprenant toute sa majesté avec son sang-froid, je veux être la vierge qui ne connaît pas les faiblesses de la femme ; parce que capable de dominer, je ne veux pas être dominée par un homme… parce que personne au monde ne peut être le maître de Fausta !…
    — Ah ! madame, dit Claudine avec la profonde émotion de la sincérité, c’est un maître d’une bien douce puissance que l’amour !…
    — L’amour ! balbutia Fausta en tressaillant.
    Elle baissa la tête et une larme brûlante pareille à un pur diamant gonfla ses paupières. Mais cette larme s’évapora au feu dévorant de ses joues, et lorsqu’elle releva la tête, son visage avait repris toute sa sérénité.
    —

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