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La Femme Celte

La Femme Celte

Titel: La Femme Celte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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fils incestueux d’Arthur, belle famille !) : il s’en
est tiré en montrant la reine prisonnière de Mordret, situation parfaitement
contradictoire avec le mythe primitif, et avec le caractère de Guenièvre, à la
fois sur le plan mythologique et sur le plan psychologique.
    En ce sens les Grecs étaient allés plus loin, sans toutefois
franchir le mauvais pas. Hippolyte ne répond pas aux avances de sa belle-mère
Phèdre, et pourtant Phèdre ne manque pas de moyens : elle essaie tout, la persuasion,
la malédiction, la menace. Hippolyte est inébranlable. En fait il ne comprend
rien à ce que lui propose Phèdre, comme nous le verrons plus loin. Toutes ces
histoires de neveu et de tante, de beau-fils et de belle-mère, de frère et de
sœur (images déplacées du couple mère-fils) se réfèrent à une réalité
fondamentale absolument étrangère au contexte chrétien et même au contexte
juif, à savoir la transgression du tabou de l’inceste chez les Indo-Européens.
    En effet, alors que les Sémites sont endogamiques (il est courant
chez les Juifs de l’Ancien Testament de voir une veuve épouser son beau-frère,
un oncle épouser sa nièce, et sans parler des filles de Loth !), les
Indo-Européens sont exogamiques : ils ne peuvent pas avoir de rapports
sexuels avec des membres de la même famille ou du même clan. Cette interdiction
est générale, chez les Celtes comme chez les Grecs et les Romains, et concerne
l’ensemble de la population. Mais les héros ,
les personnages hors du commun, ceux qui s’identifient avec les dieux, dans la
mesure où ils ne sont pas comme les autres, peuvent transgresser
l’interdit : car ils sont les acteurs de la fête rituelle du clan, fête
annuelle ou saisonnière au cours de laquelle tous les excès non seulement sont
permis mais recommandés. Les héros de légende sont les souvenirs des acteurs de
ces lointaines fêtes rituelles qui transgressaient volontairement les tabous.
Ils ont été débarrassés du contexte de la fête, on n’a plus retenu d’eux que
leur caractère exceptionnel, mais dans ce caractère même, il y a la
transgression [398] .
    C’est pourquoi il devenait nécessaire de remplacer le geis par le philtre .
C’était rassurant et cela faisait passer tout le reste. Ni Tristan ni Yseult ne
sont coupables. Or quand on voit la lucide détermination de Grainné et de
Deirdré, on ne peut s’empêcher de constater que l’esprit du mythe a été faussé.
L’Yseult primitive était parfaitement consciente de ce qu’elle faisait, et
c’est elle qui a obligé Tristan à l’aimer.
    D’ailleurs n’est-elle pas fée ou sorcière ? Et par là,
n’est-elle pas divinité ? Elle est blonde comme la déesse-soleil. Elle est
magicienne et se transforme en oiseau pour venir rôder autour de Tristan. Elle
guérit Tristan deux fois d’une blessure inguérissable. Elle est la reine du
Verger, c’est-à-dire du Paradis. Elle est souveraine et possède tous les
pouvoirs de la déesse-mère : elle peut, en particulier, ordonner à son
chevalier servant tout ce qui lui plaira et celui-ci devra obéir. Il est
évident qu’il y a là des rapports avec la définition que l’on donne
généralement de la Dame de l’Amour courtois, maîtresse absolue du comportement
de son amant. Dans le Lancelot de Chrétien de
Troyes, Guenièvre peut ainsi ordonner à Lancelot de se conduire de façon
ridicule dans un tournoi avant de l’autoriser à vaincre. Lancelot ne sourcille
pas : la honte qu’il a en subissant les moqueries des autres chevaliers ne
fait pas le poids contre la honte qu’il ressentirait en désobéissant aux ordres
de Guenièvre, ou même en hésitant. Cette volonté absolue de Guenièvre est
l’équivalent du geis irlandais.
    Nous avons un autre exemple de cette sorte dans le récit de La Mort de Cûchulainn . Le héros Ulate est aux prises
avec les fils et les filles de Calatin qui ont juré sa mort et qui vont l’enfermer
dans un réseau de geisa pendant que les Ulates
sont en proie à leur maladie magique. Le roi Conchobar confie aux femmes, qui
sont les seules à être bien portantes, le soin de protéger Cûchulainn et de
l’empêcher de se précipiter vers les combattants suscités par les incantations
magiques de ses ennemis. C’est surtout Niam, fille de Celtchar,
« favorite » de Cûchulainn qui est chargée de cette mission. Elle
entraîne donc le héros dans sa forteresse et le fait boire. Mais l’une des
filles de

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