La Femme Celte
structures, d’après
les détails mythologiques, admettaient une plus grande participation de la
femme à la vie collective. Il n’est donc pas étonnant de retrouver les fées
dans ces cavernes et dans ces tertres artificiels que sont les monuments
mégalithiques.
Mais il faut entrer dans cet univers. Or l’entrée est
pénible, dangereuse, sanglante. D’innombrables légendes font état d’un fantasme
bien connu, celui de la vagina dentata . Il est
périlleux d’entrer dans une grotte inconnue pour la première fois, on ne sait
pas ce qui peut arriver : on peut recevoir un rocher sur la tête, on peut
glisser, se casser un membre, et le membre le plus précieux de l’homme, celui
qui constitue sa raison d’être un homme. On notera en passant l’appellation
« parties nobles » de l’homme qui s’oppose à celle de « parties
honteuses » de la femme. Car le mythe de la pénétration sanglante ou
dangereuse dans la grotte où vit recluse la Femme Engloutie n’est pas autre
chose qu’un acte de défloration mis en images symboliques. En Inde, de nombreux
contes parlent de femmes dont le vagin est rempli de dents qui coupent le pénis
de l’homme [83] . Dans d’autres lieux, en
particulier dans le Royaume fabuleux du Prêtre Jean, si célèbre pendant tout le
Moyen Âge, ce sont des serpents qui se trouvent dans le vagin. Ailleurs ce sont
des bêtes sauvages qui gardent l’entrée et qui dévorent tous les amoureux en
puissance. Les sorcières, elles-mêmes, d’après les relations des procès intentés
contre elles, avaient la réputation de faire subir des mutilations au membre
viril lors d’une copulation.
Cette croyance, presque universelle et en tout cas fort
tenace, est évidemment liée à la peur du sang. Sang menstruel d’abord, qui est
inquiétant, malsain (il n’y a qu’à lire la Bible pour s’en rendre compte),
puisqu’il est l’objet d’une quantité invraisemblable de tabous divers, mais
aussi le sang de la défloration qui passe pour porter malheur. À cela
s’ajoutent d’ailleurs les difficultés rencontrées parfois dans l’acte de
défloration, soit par faiblesse masculine, soit à cause de l’étroitesse ou de
la malformation de la femme. Cela explique que dans certains pays, la
défloration se pratiquait à l’aide d’un instrument coupant, ou d’un bâton, ou
d’une pierre. Cela explique surtout la curieuse coutume appelée improprement
« droit de cuissage » et qui n’est pas du tout un privilège accordé
(ou accaparé par lui) au seigneur. Bien au contraire : étant donné que la
défloration est dangereuse, par la difficulté de l’acte, mais aussi par
l’écoulement du sang qu’il provoque, il faut que ce soit un personnage puissant
physiquement et spirituellement qui
l’accomplisse, un prêtre, un roi ou un prince. Car ce haut personnage a le
pouvoir d’écarter la malédiction qui, sans cela, pèserait sur le malheureux
mari. D’ailleurs, la preuve en est le fait que ceux qui réussissent à pénétrer
dans la grotte sont toujours des êtres exceptionnels, doués d’une puissance
physique et spirituelle hors du commun. N’oublions pas que le héros doit
vaincre les bêtes sauvages qui gardent l’entrée, les tuer, puis vaincre ses
propres fantasmes – les enchantements dont il se croit victime –, enfin gagner
le sanctuaire, le temple. Sa mission est donc sacrée. Plusieurs récits
celtiques illustrent ce thème.
Peredur et l’Addanc (Pays de Galles) : Les fils du Roi des Souffrances sont tués chaque jour
par un addanc (Castor monstrueux) qui se
trouve dans une grotte. Ils sont ressuscités chaque jour grâce au chaudron de
Renaissance. Peredur promet de tuer le monstre. Alors une femme d’une
merveilleuse beauté apparaît à Peredur et lui dit : « Je connais
l’objet de ton voyage. Tu vas te battre avec l’ Addanc .
Il te tuera, non par vaillance, mais par ruse. Il y a sur le seuil de sa
grotte, un pilier de pierre. Il voit tous ceux qui viennent sans être vu de
personne, et, à l’abri du pilier, il les tue tous avec un dard empoisonné. Si
tu me donnais ta parole de m’aimer plus qu’aucune autre femme au monde, je te ferais
don d’une pierre qui te permettrait de le voir en entrant sans être vu de
lui. » C’est ainsi que Peredur peut pénétrer dans la grotte et tuer l’ addanc dont il emporte la tête (J. Loth, Mabinogion , II, 94-96).
La Razzia des Bœufs de
Fraech (Irlande) : La femme et le
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