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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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que le capitaine s’offensa :
    – Tu verras, Goddon !… Tu jouiras plus tard de ce que je te réserve… et que j’ai appris du seigneur de Marcoussis en le voyant appliquer cette question à une servante qu’il soupçonnait d’avoir commis un larcin de huit livres tournois… Il lui a fait lier les poignets. Elle a eu un mortier aux pieds, deux œufs de fer brûlants sous les bras et un autre au cul !… On lui a noué un fouet autour du cou, et on a tiré d’un demi-pied de long avec une poulie… Et comme la malicieuse ne disait rien, on lui a rôti les orteils… Tu vois, je te préviens d’avance ! Tu es grand ? Je saurai t’accourcir !
    Ogier se tourna vers l’Anglais ; il souriait :
    – Messire Calveley, croyez-moi : vous voyez près de nous un hardi chevalier. Il est moins sûr de lui à la joute, car il m’avait demandé de le laisser gagner le Coup de lance des Dames… ce que j’ai refusé…
    – Tais-toi ! Tais-toi ! vociféra Oyré. Tout ça n’est que mensonges de sorcier !
    Se taire ou non, Ogier savait que son sort serait le même. Il ajouta :
    – Je ne l’ai pas vu au commencement de ce funeste tournoi… Il devait se musser derrière les autres… Mais quand vint pour moi le moment de la curée, il était un des premiers à frapper !
    Il y eut des grognements chez les guisarmiers. Oyré ne dit mot. L’Anglais sourit et demanda, comme s’ils étaient seuls :
    – Votre oreille vous fait-elle mal ?
    – Oui, messire. Sans l’aumusse et le camail que j’avais sur la tête, et qui ont amorti un taillant qui s’est épaufré (180) , je serais mort… Mais voyez : nous voici rendus.
    La charrette s’arrêta. Leignes sauta à terre et y chercha une pierre qu’il cala sous une roue en hurlant :
    – Descendez !
    Calveley sauta sans hésitation. Afin d’amoindrir l’effet du heurt sur l’oreille douloureuse, il tendit à Ogier ses mains réunies par les liens des poignets.
    – Par saint Georges ! s’exclama Guichard d’Oyré en prenant ses hommes à témoin. Ils sont comme larrons en foire !
    Il invoquait saint Georges au lieu de saint Michel (181) .
    Les captifs se tournèrent vers le château dont les parois les dominaient comme une immense falaise. Cette masse de pierre crénelée ici, toiturée là d’ardoises verdissantes, pavoisée d’une bannière décolorée prenait, sur l’azur du ciel, une arrogance tragique.
    « Pas de pont-levis », se dit Ogier. « Le village est loin… les lieux déserts… Ce doit être folie de vouloir s’échapper par la rivière… Fuir maintenant ? Les guisarmiers nous rattraperaient… »
    La haute porte s’ouvrit. Une dizaine d’hommes vêtus de sarraus de toile et de brigantines, armés d’arcs et de guisarmes, apparurent. À grandes enjambées bancales, le plus vieux, le plus épais, s’approcha :
    – Heureux de vous revoir, messire Oyré !… Alors, ces joutes et ce tournoi ?… Y avez-vous brillé une fois encore ?
    Ogier eût pu se moquer. À quoi bon hâter ou grossir sa première punition ! Il crut surprendre dans l’œil d’Oyré soudain illuminé par une sorte de stupeur pâle, une parcelle de reconnaissance ; mais l’éclat s’en ternit et redevint glacé.
    – J’ai fait ce que j’ai pu, Bastien. Et puis, qu’est-ce que ça peut te faire ? Tiens, soulage-moi de ce heaume et mène les captifs devant toi !
    Il se détourna et, de son pouce :
    – Lui, c’est Leignes ; il est présent pour veiller sur ce prisonnier-là : Fenouillet…
    L’autre salua, essuya la couenne de son cou d’un revers de main et parut écœuré quand il vit les poignes de l’ancien sergent de Morthemer.
    – Allons, les nouveaux, dit-il, le gîte vous attend !
    Le dos piqué par l’épée de Leignes, Ogier parvint au seuil du château. Ce qui le frappa dès le premier coup d’œil jeté sur les soudoyers réunis là, ce fut la primauté du muscle sur l’esprit : petits fronts, épaules larges ; bras noueux dont les mailles elles-mêmes ne dissimulaient pas les contours, ossature fruste, chairs tavelées de gros buveurs. Leurs regards, leurs sourires, leurs courbettes à l’égard du capitaine, plutôt que d’atténuer leur bestialité, y ajoutaient le poids d’une affabilité nauséeuse.
    « ! »
    La peur. Encore et toujours, prodigieusement vaste, maintenant. Aucune espérance n’apparaissait possible. Les hommes considéraient les deux « nouveaux » avec une curiosité

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