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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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l’un d’eux en l’apercevant.
    Ils se détachèrent un à un des fours, les bras ballants, confus
de paraître sales et pouilleux devant la dame au cygne. C’était un grand
honneur qu’elle leur faisait en venant seule et à pied. L’un d’eux s’agenouilla.
    — Que le bonheur des saints t’advienne, dit-il avec une
ferveur qui traduisait l’adoration que le peuple lui portait.
    Bertrane n’aimait pas voir ses sujets se rabaisser ; elle
le prit sous le bras et l’obligea à se relever.
    — Allons, allons, tu n’es pas à confesse et je ne suis
pas une sainte. Ai-je l’air de ce bon chapelain Guillaume ?
    Ils se mirent à rire en pensant au gros prieur de
Château-Vieux qui avait fini par remplacer l’ancien confesseur, François, devenu
amnésique. Et comme elle contemplait les fours, le plus vieux des charbonniers,
qui devinait ses craintes, s’empressa de la rassurer.
    — La terre est bien humectée, elle a eu sa part de
pluie en octobre. Tu n’as rien à craindre du feu, nous sommes des hommes d’expérience
et nous tenons le mistral à distance de nos foyers.
    Il disait vrai. Leurs visages de cuir roussi, leurs mains
cendrées, les marques des brûlures étaient les meilleures garanties de leur
maîtrise du feu.
    — Tu cherches la tombe ? dit soudain le vieux
charbonnier.
    Bertrane fut saisie. Comment pouvait-il savoir ? Elle
se méfia. Les hommes des montagnes avaient des pouvoirs presque aussi grands
que les sorcières de Signes la Noire. Lisait-il dans les pensées ? Interprétait-il les fumées qui se diluaient dans le ciel ou le vol des aigles
au-dessus des crêtes du Mourre ?
    Elle l’observa avec attention. Il n’émanait aucune
méchanceté de cet être fruste à la figure fripée par la misère.
    — Dame Delphine et le chevalier Jaloux sont passés par
ici à l’aube, révéla l’homme.
    — Le Jaloux, on le porte pas dans notre cœur ! ajouta
un autre qui n’osa pas y associer le nom de Delphine de Dye.
    — C’est un estranger de malheur ! On sait qu’il
est venu pour un Signois, un d’Agnis qu’il veut capturer comme le désire la Chouette. Le laisseras-tu faire ?
    Les langues se déliaient. Casteljaloux était devenu le
Jaloux. Dame Delphine avait été surnommée dame Chouette. Les veillées s’animaient
aux noms de ces deux-là et de leurs alliées les sorcières. Il se disait des
choses fielleuses sur la reine Eléonore, sur le roi de France. La présence du
chevalier Edmond avait réveillé les vieilles haines remontant au partage de l’empire
de Charlemagne, quand le roi de Provence Boson devait lutter contre les Francs,
les Bourguignons, les Germains et les Espagnols.
    — La Chouette et le Jaloux ne dénicheront jamais la
pierre des Agnis. Nous les avons envoyés du côté de Mazaugues.
    — Vous savez où elle se trouve ?
    Les hommes devinrent silencieux. C’était leur secret. Cependant,
ils ne pouvaient rien refuser à la dame qui les protégeait. Le vieux soupira.
    — Il existe une terre, au-delà du Cros Négadis, on l’appelle
« les Loins Sons » parce qu’on y entend les nuits de pleine lune le
chant magique d’une fée. Il y a longtemps, du temps du grand-père de mon
grand-père, le vicomte de Marseille, Guillaume le Majeur, venait y chasser. Un
jour, il blessa un sanglier. La bête furieuse l’aurait éventré s’il n’y avait
eu Jean, un berger. Jean tua d’un coup de couteau l’animal qui chargeait le
vicomte tombé à terre. Dame ! Quel bel exploit… Guillaume donna les Loins
Sons à son sauveur et prit son fils dans sa suite. La famille d’Agnis était née,
une belle ferme fut bâtie ; il n’en reste aujourd’hui qu’une ruine depuis
que les Agnis se sont éparpillés dans le monde. Cette famille est notre honneur.
Si ce chevalier Jean revient parmi nous, nous le défendrons.
    Tous les hommes se signèrent. La croix les liait au serment
qu’ils avaient prononcé tout bas.
    — Je vais te conduire, dit le vieux charbonnier en s’armant
d’un long bâton pour la marche.
     
    Il l’entraîna à travers une garrigue sauvage, puis au sein d’une
forêt séculaire qui s’étendait sur des lieues. Les feuilles ruisselaient, dansaient
sous les assauts du vent. Au-dessus de Bertrane, les arbres mêlaient la rouille
de leurs branches mouvantes, sous ses pieds les taches de soleil vivifiaient le
sang des feuilles mortes. Une lumière changeante caressait la jeune femme qui
communiait avec la nature. La terre

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