La Fin de Fausta
qui, en lui-même, se disait : « Je savais bien que c’était là que le bât blessait. »
Et tout haut, le regard pétillant :
– Prisonnière me paraît un peu excessif.
– Enfin, vous me tenez…
– C’est un fait certain.
– Qu’entendez-vous faire de moi ?
– Mais, fit Pardaillan, qui prit son air le plus naïf, j’entends vous garder précieusement, le plus longtemps possible.
« Démon ! rugit Fausta en elle-même, que l’enfer t’engloutisse ! » Et cependant, ayant repris complètement possession d’elle-même, par un effort de volonté dont elle seule, peut-être, était capable, elle montrait un visage que n’altérait pas la moindre trace d’émotion, presque souriant.
– A moins que…, reprit Pardaillan, qui fit une pause.
Il est certain qu’il jouait avec elle comme le chat joue avec la souris. C’était sa petite vengeance, cela. Et nous ne nous sentons pas, quant à nous, le courage de la lui reprocher : après les mauvais tours qu’elle lui avait joués, après les transes épouvantables par où elle l’avait fait passer, nous sommes obligés de reconnaître que la satisfaction qu’il s’accordait était bien innocente. Ceci dit tel que nous le pensons, en conscience, et non pas dans l’intention d’influencer le lecteur, qui reste toujours souverain juge et libre de dispenser à son gré le blâme ou l’éloge.
Le jeu d’ailleurs, était mené avec tant de délicate bonhomie que Fausta ne le sentit pas. En revanche, elle sentit très bien qu’une chance de salut, inespérée, s’offrait à elle. Elle se raidit de toutes ses forces pour forcer ses traits à garder leur calme souriant. Et sa voix, si grave, si harmonieuse qu’on pouvait se demander si elle sortait bien de la même petite bouche qui, quelques instants plus tôt, dans le feu de l’action et sous le coup de la colère, n’émettait que des sons rauques, durs, pareils aux rugissements d’un fauve, sa voix ne tremblait pas tandis qu’elle interrogeait :
– A moins que ?…
– A moins que vous n’acceptiez le marché que je veux vous proposer, acheva Pardaillan.
– Voyons ce marché, fit-elle sans hâte.
– Voici. Je vous rends cette liberté qui vous est si chère, si vous me rendez, vous, la petite Loïse.
Ces paroles, Pardaillan les prononçait avec une gravité qui attestait que la proposition était des plus sérieuses. Fausta tressaillit : elle ne s’attendait pas à pareille proposition et, qui sait ? peut-être, dans les nombreuses machinations qu’elle menait de front, peut-être avait-elle oublié cette enfant, sa petite-fille, et quel otage précieux elle pouvait être entre ses mains. Elle n’hésita pas :
– Impossible, dit-elle d’une voix tranchante. Et, se reprenant vivement :
– A moins… Voulez-vous me permettre de vous poser une question, Pardaillan ?
– Dix questions, cent questions, toutes les questions que vous voudrez… J’ai le temps, moi, répondit Pardaillan de sa voix redevenue railleuse.
– Je puis vous dire sur-le-champ où se trouve cette enfant. Dans deux heures, elle peut être dans vos bras. Si je m’exécute sur-le-champ, serais-je libre également sur-le-champ ?
– Non, pas sur-le-champ, répondit Pardaillan, catégorique.
– Vous vous défiez de moi ?
– Non, fit Pardaillan, aussi catégorique. Je sais que vous ne vous abaisserez pas à mentir avec moi. Je sais que je trouverai l’enfant à l’endroit que vous aurez indiqué. Je sais enfin que je pourrai l’emporter.
– Alors, que craignez-vous ?
– Rien. Seulement, même si vous me rendez l’enfant séance tenante, je ne pourrai, moi, vous rendre votre liberté que ce soir.
– C’est-à-dire quand vous serez sûr que les millions espagnols sont entrés dans les coffres du roi ?
– Parbleu !
– Vous sacrifiez votre petite-fille à ces millions ?
– Sans remords et sans hésitation.
– Eh bien, je n’hésite pas non plus, moi, je préfère sacrifier les millions, sacrifier ma liberté et garder l’enfant.
– Comme il vous plaira, trancha Pardaillan avec une indifférence qui n’était pas affectée.
Cette indifférence la surprit : sa surprise se manifesta dans le regard qu’elle lui décocha à la dérobée. Lui, il la guignait toujours du coin de l’œil. Il surprit ce regard. Il sourit et haussant les épaules :
– Vraiment, princesse, vous êtes étrange ! Je ne possède pas votre incalculable
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