La Fin de Fausta
d’être soumises à un nettoyage récent.
Au fond, trois paillasses étaient posées à terre, les unes à côté des autres, avec un étroit intervalle pour permettre de circuler entre elles. Sur chaque paillasse, un bon matelas, des couvertures, des oreillers. Au milieu, une table carrée. Sur la nappe, de fil un peu grossier, mais d’une blancheur éclatante, les premiers éléments d’un repas substantiel : un énorme pâté, un saucisson, un jambonneau, des pâtisseries sèches. Six flacons convenablement poudreux, des gobelets d’étain, des assiettes également d’étain, des fourchettes de buis, pas de couteaux.
Sur une autre petite table rangée contre le mur, au pied des lits, un grand bassin, une profonde aiguière de cuivre étincelant, remplie d’eau fraîche. A côté un coquemar plein d’eau chaude, un grand pot de tisane et des bols. Et du linge d’une propreté irréprochable, des bandages, de la charpie, plusieurs pots d’onguents : tout ce qu’il fallait pour donner des soins à des blessés, quatre ou cinq sièges de bois à dossier, complétaient cet ameublement sommaire, installé à la hâte.
Pardaillan embrassa tous ces détails d’un coup d’œil, et il sourit, satisfait. Pendant que Gringaille, Escargasse et l’hôtelier déposaient, l’un après l’autre, les trois prisonniers sur les lits, il dit à Fausta, qui n’avait même pas jeté un regard autour d’elle :
– En somme, vous le voyez, « monsieur » (il insistait sur le mot qu’il employait pour donner le change à l’hôtelier présent, et Fausta, sensible à cette délicatesse, remercia d’une inclination de la tête), si l’endroit n’est pas gai, du moins, il est propre, et nous avons fait de notre mieux pour le rendre habitable.
– Ce n’en est pas moins un bel et bon cachot, répliqua Fausta qui souriait bravement.
– C’est vrai, et je vous en fais toutes mes excuses. Mais lorsque j’ai pris ces dispositions, je pensais n’avoir à garder que ces trois éclopés, là-bas. J’étais loin de me douter alors que j’aurais le très grand honneur de vous offrir l’hospitalité. Croyez bien que si j’avais pu prévoir ce qui est arrivé, je me serais fait un devoir de vous traiter d’une façon plus digne de vous. Je vous en renouvelle toutes mes excuses.
C’est très sérieusement qu’il parlait. Ce fut non moins sérieusement qu’elle répondit :
– Laissez donc, cela n’a aucune importance. J’aime mes aises, mais je sais très bien m’en passer, quand il le faut.
– Vous me soulagez du poids que j’avais sur la conscience. Au reste, vous ne demeurerez que quelques heures dans ce cachot, et quelques heures sont bientôt passées. D’autant que, pendant ce temps, vous pourrez demander tout ce que bon vous semblera, maître Jacquemin se mettra en quatre pour vous contenter. Et comme, sans qu’il y paraisse, c’est un maître queux fort expert en son art, je vous assure que vous n’aurez pas lieu de trop regretter l’ordinaire de votre maison.
– Vraiment, chevalier, vous me voyez « confus » de toute la peine que vous vous donnez pour moi. Je vous en prie, ne parlons plus de ces misères.
– Ce sera comme vous voudrez, « monsieur ».
Ils s’approchèrent des lits, Escargasse et Gringaille renouvelaient le pansement de d’Albaran. Le colosse allait aussi bien qu’on pouvait le souhaiter. Maître Jacquemin avait appliqué des compresses sur la tête des deux estafiers, après quoi il était sorti discrètement. Pardaillan, remarquant que les deux pauvres diables qui, d’ailleurs, étaient assez mal en point et incapables de fournir un effort sérieux, au moins pour un jour ou deux, paraissaient fortement incommodés par leurs liens, eut la générosité de faire trancher ces liens, à leur grande satisfaction.
D’un dernier coup d’œil, il s’assura que les prisonniers disposaient de tout ce qui pouvait leur être utile. Puis, se tournant vers Fausta, il se découvrit, salua courtoisement, et prit congé :
– Je vous demande la permission de me retirer, madame.
– Comment, s’étonna Fausta, vous ne nous faites pas l’honneur de nous tenir compagnie ?
Il y avait comme une pointe à peine perceptible d’ironie un peu dédaigneuse dans son accent. L’oreille particulièrement chatouilleuse de Pardaillan saisit cette nuance. Et sèchement :
– Mieux que personne, vous devriez savoir que je n’ai jamais eu aucun goût pour le
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