La Fin de Fausta
curiosité.
Alors, quand le calme commençait à renaître, comme une traînée de poudre, le bruit se répandit qu’une deuxième maison venait de sauter dans les mêmes conditions mystérieuses, qu’on ne parvenait pas à s’expliquer. Cette deuxième maison était située dans la Cité, non loin du port Saint-Landry. Et, chose remarquable, cette maison, dont les assises baignaient dans la rivière, comme la première, était isolée et passait pour abandonnée dans le quartier.
Puis, un peu plus tard, on apprit qu’une troisième maison venait de sauter, dans l’Université, celle-là, et non loin du mur d’enceinte. Et comme les deux précédentes, cette troisième explosion se produisait dans des conditions inexplicables. Et, toujours comme les autres, cette maison était isolée et inhabitée.
Cette nouvelle, qui se répandit partout, pénétra jusqu’au Louvre, jusqu’au roi Louis XIII lui-même. Nous verrons tout à l’heure comment.
Elle fut portée, en toute hâte, à Fausta, qui l’accueillit sans manifester la moindre émotion, comme une chose de peu d’importance. Mais qui, lorsqu’elle se trouva seule, marqua, par l’accès de fureur terrible auquel elle se livra, combien elle était sensible à ce nouveau coup qui anéantissait ses espérances, ou, tout au moins, en reculait la réalisation pour de longs mois. Et elle maudit Pardaillan, qui lui portait ce coup fatal qui l’assommait. Car elle ne s’y trompa pas, et reconnut aussitôt sa main dans cette désastreuse affaire.
Elle pénétra, cette nouvelle, à l’hôtel Concini, et arriva jusqu’à Léonora. Seulement, comme elle avait à faire, pour l’instant, des choses autrement importantes pour elle, elle ne prêta qu’une oreille distraite aux rumeurs venues du dehors.
En ce moment, Léonora pénétrait dans la chambre de Florence, devenue sa fille légitime. Entrées derrière elle, La Gorelle et Marcella étalaient délicatement sur le lit une somptueuse toilette de cour et des écrins renfermant des bijoux précieux que la Gorelle couvait d’un regard chargé de convoitise : un de ces regards qui, s’il avait eu le don d’attirer l’or et les pierreries, comme l’aimant attire le fer, eût infailliblement escamoté le contenu des précieux écrins.
C’était la première fois que Florence voyait la Florentine, depuis deux jours qu’elle était devenue sa mère aux yeux de la loi. L’avant-veille, après la signature des actes et le départ des témoins, la jeune fille s’était retirée dans sa chambre, sans que Léonora, ni Concini, du reste, eussent paru s’intéresser à elle, sans qu’ils eussent songé à lui adresser une parole, même banale. Elle n’en avait été ni surprise, ni affectée, d’ailleurs : elle savait que, dans l’intimité, elle ne serait jamais qu’une étrangère pour eux.
Léonora s’était aussitôt rendue auprès de Marie de Médicis. Elle lui avait appris que tout était terminé, bien en règle, et que Florence était maintenant bien dûment et légalement sa fille. Ce à quoi Marie de Médicis avait répondu par des remerciements chaleureux et par des félicitations qui s’adressaient autant à elle-même qu’à sa confidente.
La fibre maternelle était, décidément, complètement absente chez elle, car, après avoir donné libre cours à sa joie, elle ajouta, avec un accent de menace froide.
– Cette petite est cause que je viens de vivre des jours d’angoisse mortelle, que je n’oublierai de ma vie… J’espère bien que tu vas t’arranger de manière à ce qu’elle disparaisse… Je ne veux plus jamais la revoir ni entendre parler d’elle. Tu m’entends, Léonora ?
Ceci était signifié sur un ton, tel que tout autre que Léonora se fût bien gardé d’ajouter un mot de plus, sur un sujet qui indisposait la reine à ce point. Mais Léonora se permettait ce que nul n’eût osé se permettre.
– J’entends, madame, fit-elle avec une froide fermeté. Il faudra cependant que je vous en parle encore, durant quelque temps. Il faudra que vous consentiez à la revoir au moins une fois encore.
– Tu perds la tête, je crois !
– Non, madame, Dieu merci, j’ai bien toute ma raison. Et je le prouve en disant ce que je dis, à savoir : qu’il est indispensable, tout à fait indispensable pour votre sécurité, que la fille du maréchal et de la maréchale d’Ancre, vous soit officiellement présentée.
– Pourquoi cette présentation
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